[Fanfiction terminée] Les yeux du cobra.

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______La zone industrielle s'étendait sous ses pieds, grise et terne, totalement déserte. Bill leva les yeux, tentant de distinguer par dessus les hauts entrepôts le hangar désaffecté où il savait que Tom l'attendait. Apercevant vaguement le toit, il soupira, délaissant l'arrêt de bus depuis lequel il observait les alentours, et entreprit de le rejoindre, marchant rapidement les écouteurs vissés dans les oreilles. Il dévala prudemment la colline qui surplombait la zone, s'enfonçant pas après pas dans le cœur de la ville, à présent inhabitée. Il traversa l'ancien quartier des affaires, abandonné, s'attardant à peine sur les fenêtres brisées, les portes défoncées et les façades délabrées qui se succédaient devant ses yeux. Arrivé à un ancien carrefour, il s'arrêta et fronça les sourcils. Le silence qui régnait était dérangeant, inquiétant et il frissonna violemment, comme à chaque fois. Il reprit sa marche rapide, attentif au moindre bruit inhabituel ou mouvement suspect, chantonnant doucement pour s'occuper l'esprit et chasser la désagréable impression d'être observé qui lui tiraillait l'esprit. La zone entière était inanimée, comme vidée de toute sa force vitale, mais elle lui semblait étrangement vivante, et il se sentait oppressé, comme s'il était entouré de présences indésirables, dissimulées dans les anciens commerces vandalisés, ou derrière les murs tagués des usines à l'abandon.

______Une aura morbide planait sur la cité abandonnée, comme figée dans le temps, et son malaise était presque palpable, s'infiltrant dans tous les pores de sa peau de manière déplaisante, la couvrant de frissons incontrôlés. Bill secoua la tête en ricanant nerveusement, chassant les images de films d'horreur qui fusaient dans son esprit. Des visions de hordes de revenants surgissant en masse de l'ombre s'entassaient dans ses pensées, et il pouvait presque imaginer la scène, comme si elle se déroulait sous ses yeux. Il se sentait vulnérable, comme si à n'importe quel moment la ville morbide allait prendre vie et l'engloutir, l'enveloppant de son atmosphère malsaine et pétrifiée.

______Il n'était que 17h30 et le soleil était encore haut dans le ciel, diffusant ses rayons à travers les rues vides, créant des ombres qui glissaient sur les murs des bâtiments et qui brillaient contre les tôles. Bill pressa le pas, apercevant au loin la masse informe et floue du hangar qui se rapprochait, et il sentit la boule d'angoisse dans son ventre se dissiper lentement, alors que les ombres s'estompaient les unes après les autres, dévoilant les détails de la façade métallisée. Il longea le vieil entrepôt, contournant l'entrée principale ornée d'un cadenas imposant et atteignit l'escalier de fer qui conduisait aux toits. Tom avait condamnée la lourde porte trois semaines auparavant, après que Bill ait presque été surpris dans la cuisine par les autres garçons, et il était maintenant le seul à en posséder la clé. Le blond avait justifié cette décision en inventant qu'il avait cru voir quelques jeunes de bandes rivales rôder près du hangar, ajoutant qu'ils devaient se méfier de cette attitude suspecte en prenant quelques mesures, comme celle-ci. Il leur avait simplement dit que cette initiative les préserverait de mauvaises surprises, comme les voir débarquer à l'improviste, oubliant de préciser à Nicolas, Matthieu, Kevin, et Étienne que c'était surtout eux que Bill et lui voulaient éviter pour protéger leurs moments d'intimité.

______A présent, il suffisait au brun de le bipper pour le prévenir de son arrivée, et Tom descendait simplement lui ouvrir. Pourtant, Bill avait gardé sa vieille habitude qui consistait à gravir les lourds escaliers de métal, se glissant directement dans la pièce qui servait de chambre à Tom. Au début de leur relation, il avait toujours craint de tomber sur le reste de la bande en entrant directement par la porte principale, et passer par les toits lui permettait d'observer l'intérieur du bâtiment sans se montrer, glissant son regard à travers les hauts velux poussiéreux, s'assurant alors que Tom était seul. Au fil des mois, il avait appris à connaître le chemin par cœur, allant jusqu'à anticiper chacun de ses pas, évitant les tôles qui grinçaient et qui trahissaient sa présence. Il adorait arriver le plus discrètement possible, s'asseoir près de la fenêtre entrouverte et observer Tom jouer de la guitare, frottant les cordes doucement alors que les quelques rayons du soleil qui filtraient à travers les stores caressaient son visage, l'entourant d'un halo de lumière pâle et apaisante. Le brun restait de longues minutes sans bouger, laissant le vent jouer faiblement avec les quelques mèches brunes qui voletaient autour de lui, s'imprégnant des douces mélodies jouées par le blond, enveloppé de cette atmosphère calme et sereine qu'il affectionnait tant.

[…]

______Bill vida son sac de cours sur le bureau où s'entassaient déjà de hautes piles instables de documents, livres et classeurs débordants, grognant en réalisant qu'il avait oublié la chemise qui contenait les tablatures qu'il avait imprimé pour Tom. Il soupira fortement, jurant, les poings sur les hanches, et entendit le blond ricaner derrière lui. Deux mains chaudes l'entourèrent fortement et la bouche de Tom s'aventura dans son cou, soufflant un air frais qui lui envoya des frissons dans tout le corps.

« Je les ai oubliées. Fait chier, j'voulais que tu me joues cette chanson », ronchonna Bill d'une voix grognon.

______Il se retourna vers Tom, balayant distraitement de ses mains les quelques feuilles volantes qui s'étaient échappées de ses cahiers et qui tapissaient le bureau, et s'assit dessus, joignant ses bras derrière la nuque de Tom.

« J'vais essayer à l'oreille, mais j'te promets rien », murmura le dreadé, ses mains glissant sur son ventre.

Bill lui sourit, posant chastement ses lèvres contre les siennes.

« T'es mignon », lança-t-il avant de sauter du bureau d'un geste vif.

______Il commença à rassembler ses notes de cours et toutes les babioles qu'il trimballait toujours, fronçant les sourcils quand ses yeux tombèrent sur une petit chaîne argentée posée dans un coin du bureau, dissimulée derrière un autre cendrier débordant. Il cru d'abord qu'il s'agissait du collier de Tom, mais le blond le portait, le cobra reposant sur son torse, et la chaîne était beaucoup trop petite, ressemblant davantage à un bracelet. Fronçant les sourcils d'étonnement, il saisit doucement les mailles fines entre ses doigts, le bracelet glissant contre le bois du bureau dans un petit bruit métallique étouffé. Qu'est-ce qu'un bracelet féminin que Bill n'avait jamais vu de sa vie pouvait bien faire dans la chambre de Tom ? Il se retourna vers le blond, occupé à accorder sa guitare, plongeant son regard surpris dans le sien, calme et serein.

« C'est quoi ça ? », demanda-t-il d'une voix rêche.

Tom le fixa doucement, intrigué, et un éclair de compréhension traversa son regard lorsqu'il aperçut le bijou que Bill tenait entre ses doigts.

« Oh, ça ? Ça vient de Matt et Étienne. Avant hier, je les ai rejoint dans le parc, et ces abrutis étaient en train de s'engueuler à propos de ce truc. D'après c'que j'ai compris, ils ont volé le sac à main d'une vieille et y'avait ça dedans. Ils se battaient pour savoir lequel des deux allait le garder. J'leur ai dit qu'il valait rien et que je le prenais, pour les calmer. »

______Tom haussa les épaules, réfléchissant. Ces deux semaines avaient été plutôt calmes, les derniers jours de septembre se succédant lentement, emportant avec eux les ultimes rayons du soleil. Le dreadé avait été attentif à son comportement et à celui des quatre autres gars, surveillant plus particulièrement Nicolas du coin de l’œil. Il n'avait rien relevé d'inhabituel dans son attitude, mais une voix dans sa tête lui disait de continuer à se méfier, et il restait sur ses gardes, redoublant de prudence lors de leurs conversations en général. Finalement, il était presque sûr que les paroles murmurées par Nicolas étaient anodines, et que c'était seulement son esprit en alerte qui les avaient transformé en une menace inquiétante. La voix hésitante de Bill le sortit de sa rêverie, et il tourna la tête vers lui, l'observant jouer nonchalamment avec le bracelet d'argent, le tournant entre ses doigts fins.

« Hum, ça a pas l'air d'être de la camelote quand même. »

Le brun délaissa le bureau, et s'assit près de lui sur le lit.

« Apparemment, ils s'étaient planqués devant la bijouterie et ils l'ont vu sortir. C'est pour ça que le truc était dans son sac et par sur elle. Donc plus facile à voler... », précisa Tom.

Bill le fixa de ses petits yeux interrogateurs, parlant d'une voix sceptique qui trahissait son étonnement :

« Et ils ont eu cette idée tout seul ? D'attendre devant un commerce et de voler les gens qui en sortent ? C'est pas con, remarque... »

« Euh, en fait, c'est la mienne. Mais pas pour agresser des vieilles, c'est juste eux qu'ont repris l'idée pour ça, les cons », grimaça le blond d'une voix lasse.

______Le brun le regarda quelques secondes, et sourit faiblement en secouant la tête. Tom soupira, fuyant son regard. Évoquer ses activités avec les autres gars le mettait toujours mal à l'aise, et il savait que Bill ne souhaitait pas en entendre parler. L'ambiance dans la chambre était devenue électrique, et il chercha un moyen de détendre l'atmosphère pour chasser le malaise désagréable qui flottait dans l'air. Bill ne disait rien, la tête baissée vers le bijou, qu'il fixait vaguement, l'examinant sous toutes les coutures.

« J'suis un peu déçu que tu l'aies trouvé quand même », annonça Tom d'une voix joueuse, brisant le silence pesant qui s'était installé.

Bill releva la tête vers lui, plongeant son regard confus dans le sien, les sourcils froncés et une moue interrogatrice sur le visage.

« Pourquoi ? »

« Bha, j'avais prévu de le remballer et de te l'offrir pour notre anniversaire, ça m'aurait fait économisé un cadeau... Puis il a l'air de te plaire, alors j'te le donne. »

Bill ouvrit de grands yeux ahuris, et le frappa fortement dans l'épaule en ricanant.

« Espèce d'enfoiré, ne pense même pas à faire un truc comme ça ! »

______Tom gloussa, massant son biceps douloureux, fixant Bill qui affichait toujours un air faussement outré. Le brun secoua la tête en souriant doucement, glissant encore la fine chaîne argentée entre ses doigts.

« Sans déconner, j'veux pas d'un truc volé, ça craint », grimaça-t-il.

______Le dreadé lui reprit le bracelet, et le déposa derrière eux, sur la table de nuit. Il saisit le menton de Bill entre ses doigts, le fixant de son regard sérieux et intense, et le fit basculer en arrière, soufflant doucement contre ses lèvres :

« Tu mérites mieux que ça. »

______Il combla la distance entre leurs bouches, écrasant doucement ses lèvres contre celles de Bill, douces et chaudes. Le brun glissa sa langue contre la sienne, et il laissa échapper un petit gémissement de plaisir quand les mains de Tom se faufilèrent sous son T-shirt pour caresser sa peau, oubliant complètement le bracelet argenté abandonné sur la table de nuit, qui brillait au soleil, éclairé par les quelques rayons qui filtraient à travers les stores entr'ouverts.

[...]

______Tom fixa l'écran de son téléphone en grognant, tapant nerveusement sur le clavier une réponse brève et sèche. Son portable venait de vibrer fortement, s'agitant de manière saccadée contre le bois de la table de nuit, dans un bruit sourd et haché. Il appuya rageusement sur 'envoyer', balançant négligemment son portable qui rebondit lâchement contre le matelas et se perdit sous les oreillers. Bill riait et le fixait tendrement, l'interrogeant du regard. S'approchant de lui en rampant, il fit glisser ses mains sur ses épaules, le massant doucement.

« Matt. Quel chieur », maugréa Tom, en soufflant doucement, les mains de Bill sur sa peau l'électrisant.

« Qu'est-ce qu'il a ? », demanda Bill d'une voix douce, murmurant doucement à son oreille, caressant paresseusement la peau sous ses doigts qui se couvrait de frissons.

« Il vient de se faire virer d'un bar, parce que le proprio veut pas de 'conneries d'histoires de gangs' dans son bordel. Ça l'a énervé. Et il demande s'il doit racheter de la bière ou s'il en reste dans la cuisine. Mais qu'est-ce que j'm'en fous », grogna-t-il d'une voix énervée, et le brun rit, frôlant son cou de sa bouche.

______Un petit silence confortable s'installa, et Bill réfléchissait, hésitant à parler. Fixant vaguement la masse imposante de dreads blondes qui lui faisait face, il laissa ses mains glisser sur ses omoplates, effleurant la peau douce, et sentit les muscles de Tom se détendre doucement sous ses doigts. Il souffla doucement avant de murmurer d'une voix calme et hésitante :

« Il en a après Andréas en ce moment... »

« Mouais, apparemment », marmonna Tom.

______Bill et Andréas s'étaient considérablement rapprochés ces deux dernières semaines, et il n'était pas rare de les voir traîner ensemble en riant dans les couloirs. Beaucoup pensaient qu'ils étaient en couple et des rumeurs commençaient à courir dans tout le lycée, ce qui avait le don d'énerver Tom à un point inimaginable. Il essayait de se contrôler lorsqu'il les croisait, discutant joyeusement, chassant son envie folle de crier à tout le monde autour d'eux que Bill était à lui, et que cette blondasse décolorée n'avait aucun droit de poser ses mains sur lui ou de le regarder avec ses grands yeux amoureux.

______En fait, il était juste jaloux du temps qu'ils passaient ensemble, alors que lui devait rester à l'écart, les observant de loin, mais il se taisait, conscient que si Bill et lui devaient s'éviter et jouer les inconnus, c'était en partie de sa faute, à cause de son image et des autres gars. Matt en avait après Andréas plus particulièrement, ayant complètement délaissé Bill, ravi de s'être trouvé une nouvelle proie. Tom l'entendait régulièrement l'insulter et le menacer, et il s'en foutait, satisfait de constater qu'il avait oublié Bill. Il haussa les épaules, sentant le regard brûlant et accusateur du brun sur sa nuque. Il était certain que Bill savait parfaitement qu'il ne faisait rien pour défendre Andréas, et qu'il lui en voulait, mais il ne disait rien, se contentant de soupirer doucement. Tom sentit ses douces mains stopper leur caresse dans son dos, et grimaça, attendant les reproches ou réflexions désagréables que Bill allait probablement lui faire.

« J'aime que tu sois jaloux », gloussa Bill en passant devant lui.

______Il embrassa sa clavicule, s'installant confortablement sur ses hanches en accrochant ses mains à ses épaules. Tom ouvrit de grands yeux étonnés, fixant de manière perplexe le brun qui le regardait gravement, un petit sourire étirant ses lèvres. Il grogna, et leva les yeux au ciel pour éviter le regard noir que Bill lui lançait. Sa main glissa entre leurs deux corps, passant sous le T-shirt large de Tom et effleura doucement sa peau. Le brun sentit ses abdos se contracter au passage de ses doigts, et descendit encore, tenant de se faufiler sous son bagguy. Tom soupira de plaisir, chassant les papillons qui s'installaient doucement dans son ventre et qui lui retournaient l'esprit, et fit basculer Bill sur le dos, emprisonnant ses deux mains entre les siennes, les ramenant au dessus de sa tête. Il l'immobilisa complètement en pesant de tout poids sur son corps et entama un mouvement de bassin lent qui fit gémir Bill, plaqué contre le matelas et totalement impuissant. Le brun ondulait son corps sous lui, bougeant rapidement ses hanches et Tom se mordit la lèvre, poussant sur ses bras de part et d'autre du visage rougi de Bill pour éloigner leurs deux corps déjà excités. Il plongea son regard dans les yeux noircis par le désir du brun qui haletait sous lui, grognant à l'absence de contact chaleureux contre lui.

« Calme-toi, espèce d'obsédé », rigola Tom en tentant de maîtriser sa respiration saccadée et l'excitation qui bouillait dans ses veines.

______Bill souffla en grimaçant, glissant ses doigts le long de la joue du blond, les yeux dans le vague. Après quelques minutes de silence, il parla d'une voix douce, pour ne pas briser l'atmosphère calme qui les enveloppait :

« Tu sais, j'ai jamais compris pourquoi les gens vous craignent autant. C'est qu'une histoire d'apparences, j'veux dire, cette sale réputation de gang que vous vous traînez, comme si on vous mettait sur le dos toutes les merdes qui arrivent dans cette ville : les vols, les trafics, les armes, la drogue et ce genre de conneries. Au final, vous êtes vraiment loin de tout ça, seulement une bande de petits cons qui se la racontent, mais pas du tout dangereux, juste bons à piquer les sacs à main des vieilles sans défense... », ricana le brun.

« Les gens ont besoin de se rassurer en trouvant des coupables, de mettre toute la pourriture de cette ville sur le dos de quelqu'un pour justifier que tout parte en couille. Et c'est nous qui prenons, c'est tout... », soupira faussement Tom.

« C'est nul. »

______Il ferma les yeux pour éviter de croiser le regard de Bill, haussant les épaules. Le brun vint appuyer sa bouche contre la sienne, collant fermement leurs lèvres ensemble. Tom se perdait dans ses baisers mouillés et amoureux, oubliant la culpabilité qui lui écrasait la poitrine quand il réalisait avec quel facilité il pouvait mentir au brun. Il glissa ses mains sous le T-shirt de Bill, et embrassa son cou, chassant la petite voix mesquine qui lui rappelait qu'au rez de chaussé du hangar se trouvaient quelques caisses remplies d'armes et de sachets de poudre blanche, les nombreux kilos de cocaïne dissimulés sous de grandes bâches obscures, comme les linceuls enveloppant les morts.

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