[Fanfiction terminée] Les yeux du cobra.

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____Tom marchait la tête baissée, dissimulée sous la grande capuche de son large sweat, traînant des pieds et bougonnant. Le macadam sous ses pieds défilait lentement, et le vent s'engouffrait partout en lui, glissant le long de sa nuque et de son dos. Son visage fermé affichait une moue contrariée qui s'intensifia au fur et à mesure que ses pas le menaient devant l'enceinte du lycée. Il s'arrêta à quelques mètres seulement de l'entrée, soufflant pour se motiver. Résolu, il posa sa main sur la poignée de la porte principale, s'apprêtant à rejoindre sa salle de classe lorsqu'une voix s'éleva au dessus de la masse informe de lycéens pour parvenir jusqu'à ses oreilles. Il grimaça, se tournant vers la source du bruit, et aperçut Étienne, à quelques pas de lui qui l'incitait par de grands gestes désordonnés à le rejoindre.

____Tom pensa quelques secondes à faire comme s'il ne l'avait pas remarqué, mais trois autres paires d'yeux étaient déjà braquées sur lui, le dévisageant. Il secoua la tête, et parcourut la distance qui le séparait des autres garçons en de longues enjambées rapides. Il s'assit lourdement sur le muret qui contournait la cour du lycée, là où on pouvait impunément observer tout ce qui s'y passait, se recevant une grande claque amicale dans le dos de la part d’Étienne. Le dreadé grogna, fixant son regard noir dans celui étonné du garçon, qui ouvrait de grands yeux ahuris, peu habitué à se faire rembarrer de la sorte par Tom. Le brun s'apprêtait à répliquer, mais Kevin, à ses côtés, le retint par le bras, l'invitant silencieusement à se taire. Ce dernier s'approcha doucement de Tom, s'assit à ses côtés, et lui tendit une cigarette, cognant doucement son coude dans ses côtes au passage pour l'inciter à relever la tête.

« Mauvaise humeur, c'matin ? », questionna-t-il doucement, tirant sur la cigarette coincée entre ses lèvres.

Tom soupira bruyamment, fixant le bout de ses baskets blanches, balançant négligemment ses jambes dans le vide.

« C'est encore ton vieux qui fait des siennes ? », demanda Matt de sa voix dure, et Tom dut serrer les poings, profondément enfouis dans ses larges poches, pour se retenir de le frapper.

« Non, c'est mon mec qui fait des siennes. Et c'est de votre faute à tous les quatre, bande de cons. »

____Les mots étaient là, tournant dans sa tête et emplissant ses pensées, prêt à sortir, et Tom du se pincer les lèvres pour s'empêcher de les prononcer à voix haute, ce qui, sans nul doute, lui attirerait quelques ennuis. Autour de lui, tout était silencieux et il cru pendant quelques secondes avoir réellement parlé. Paniqué, il releva la tête précipitamment, soufflant en croisant les regards perplexes des quatre garçons qui l'entouraient.

« Non, ça va. Mal dormi, c'est tout. Fait chier le lundi matin », marmonna-t-il.

____Les quatre garçons autour de lui gloussèrent, et Tom saisit le paquet de cigarettes qui avait glissé entre Kevin et lui, tâtonnant ses nombreuses poches à la recherche d'un briquet. Il jura, et le vieux zippo gravé d’Étienne atterrit sur ses genoux. Tom releva la tête vers lui, croisant le regard calme et posé du brun, le remerciant. Il du s'y reprendre à trois fois avant de parvenir à enclencher le briquet, prêt à le balancer sur Étienne en lui gueulant de jeter cette antiquité qui ne fonctionnait jamais, lorsqu'enfin une flamme vacillante et fragile jaillit, immédiatement soufflée par le vent. Tom jura une nouvelle fois, et Kevin ricana, approchant ses mains en coupe autour du blond pour empêcher qu'un nouveau courant d'air n'éteigne encore la flamme mince et chancelante.

« Faut te détendre, mec », ajouta-t-il en gloussant, ses yeux noirs rieurs se plongeant dans le regard préoccupé de Tom.

____Cette remarque lui tira un petit rire, et il secoua la tête, soufflant la fumée devant lui, sans la voir. Il fixait de ses yeux vagues le flot intarissable de lycéens bruyants et agités qui se pressaient dans la cour, écoutant d'une oreille distraite la conversation des garçons près de lui, leurs éclats de rire joyeux n'atteignant même pas ses pensées troublées.

____La sonnerie stridente retentit, le tirant de ses réflexions en le faisant sursauter. Le dreadé se leva en soupirant, balança son mégot par terre, et se saisit de son sac d'une poigne lasse. Levant la tête, son regard tomba sur la silhouette fine de Bill qui tentait de se glisser entre la foule, et la vision disparut aussitôt, à peine ancrée dans sa mémoire, comme si elle n'avait été qu'une illusion de son esprit. Bill lui faisait la gueule. Clairement. Après l'incident du samedi matin au hangar, le brun était parti furieux, lui hurlant qu'il aurait pu se faire tuer et que tout aurait été de sa faute. De rage, il lui avait balancé le quignon de pain moisi qui traînait sur la table au visage, avant de claquer la porte violemment, aussi rapide qu'un courant d'air. Tom soupira, Bill avait vraiment tendance à faire dans le dramatique, et c'était terriblement éprouvant pour ses nerfs. Depuis, il n'avait donné aucune nouvelle, allant jusqu'à rejeter tous ses appels, ignorant les dizaines de sms qu'il lui avait envoyé. Tom commençait même à se demander si le brun n'avait pas carrément bloqué son numéro. Cette pensée le fit grimacer, et il soupira, se dirigeant d'un pas las vers sa salle de classe, grognant quand Étienne claqua à nouveau sa main dans son dos, fortement, pour l'encourager.


____Parfois, Tom se demandait sincèrement ce qui avait bien pu se passer dans son cerveau pour qu'il tombe amoureux de Bill. Assis sur le carrelage poussiéreux, il fixait d'un œil morne l'écran noir de son portable, désespérément silencieux. Une dernière fois, il déverrouilla le clavier, illuminant l'écran terne qui indiquait 13h36, en de gros chiffres presque aveuglants qui lui firent plisser les yeux, habitués à la pénombre de la pièce. Un mince filet de lumière balayait la pièce, traversant les fenêtres sales et condamnées. L'ampoule au dessus de sa tête, misérablement suspendue au plafond craquelé, s'était éteinte, et il avait eu la flemme de quitter le sol sur lequel il était avachi pour aller actionner l'interrupteur. Secrètement, il avait espéré que Bill finirait par arriver, illuminant la pièce par la même occasion. Tom grogna en pensant qu'il n'aurait même pas besoin d'appuyer sur l'interrupteur et que sa seule beauté suffirait à éclairer tout le lycée. Le dreadé soupira, glissant sa tête entre ses bras, posés sur ses genoux repliés. Il fallait se rendre à l'évidence, Bill ne viendrait pas.

____Le blond resta assis quelques minutes encore, le mur froid derrière lui lui glaçant le dos, puis il se releva péniblement, s'orientant avec difficulté dans la pièce lugubre. Ses mains tâtonnèrent dans l'obscurité à la recherche de l'interrupteur et il grimaça en sentant le mur humide s'effriter sous ses doigts. Après quelques essais et jurons marmonnés entre ses dents, il finit par le trouver, appuyant fermement sur le bouton pour l'actionner. L'ampoule dénudée au dessus de sa tête grésilla et clignota faiblement à deux reprises, éclairant pendant quelques secondes la pièce d'une lumière blafarde qui mourut rapidement. A nouveau plongé dans l'obscurité, Tom grogna, frappant plus fortement l'interrupteur. La déception passée, l'énervement prenait le dessus, et il se sentait comme une boule de nerfs prête à exploser. Soufflant doucement, il tenta de se calmer, chassant de son esprit toutes les pensées tournant autour de Bill. S'il retournait près des autres gars dans cet état, il était sûr d'attiser encore plus les regards étonnés et interrogateurs qu'ils lui lançaient déjà depuis ce matin. Visiblement, Tom n'avait pas été très convaincant samedi dernier, et les quatre jeunes se souvenaient parfaitement bien de son étrange comportement, l'examinant sans cesse d'un œil suspicieux. Toute la matinée, le dreadé avaient senti leurs regards méfiants le brûler, et la nervosité l'avait lentement gagné au fil des heures. Après un passage rapide au self, il avait prétexté un besoin urgent d'aller racheter un briquet, abandonnant les autres garçons à la sortie du lycée pour contourner le bâtiment et rejoindre le cinquième étage.

____Tom soupira encore, allumant à nouveau son téléphone. 13H51. Il devait être en cours dans moins de dix minutes. Évidemment, Bill n'avait même pas répondu à son sms, le laissant poireauter ici plus d'une heure, seul avec ses questions, dans des toilettes sombres et abandonnées. Le dreadé souffla d'agacement, triturant toujours l'interrupteur de ses doigts tremblant d'énervement. Il avait pris des risques en mentant aux autres gars, en inventant cette histoire de briquet perdu pour qu'ils puissent se retrouver et s'expliquer calmement, et Bill lui posait tout simplement un lapin. Depuis quand le brun était-il devenu si irresponsable ? Tom réfléchissait, complètement déconcerté par le comportement inhabituel de Bill, et il releva vivement la tête, le souffle presque coupé, alors qu'une pensée terrible venait de s'infiltrer dans son esprit surmené et bouillonnant. Et si ? Peut-être que...

____Il secoua la tête, ricanant nerveusement. C'était impossible. Son imagination lui jouait des tours, profitant de sa faiblesse pour le noyer sous un océan de doutes infondés. Tom souffla, tentant de calmer sa respiration. Une voix en lui lui disait que Bill aurait du être là, peu importe à quel point il lui en voulait. Soudainement, il se fit la réflexion qu'il avait été très imprudent de sa part de s'éloigner des autres gars, parce qu'ils pouvaient très bien, à cet instant même, profiter de son absence pour aller brutaliser un peu le brun. La vision de Nicolas fixant vaguement la porte de la cuisine derrière lui samedi dernier avant de quitter le salon lui revint en mémoire, et Tom frissonna, revoyant clairement la lueur amusée qui brillait dans son regard au moment où il avait soufflé ses quelques mots d'une voix douce. Tom secoua la tête, et serra plus fortement son portable entre ses doigts. Il composa rapidement le numéro familier de Bill, collant le cellulaire à son oreille. Il tomba sur la messagerie, et abattit fortement son poing serré contre le mur, la douce voix de Bill s'infiltrant en lui comme une plainte désespérée. Il ferma les yeux, appuyant son front contre le mur glacé devant lui, et souffla doucement pour tenter de se rassurer et calmer les battements affolés de son cœur. Personne ne savait. Étienne, Kevin, Matt et Nicolas ne pouvaient tout simplement pas avoir deviné, et Bill était sûrement à cet instant même en train rire de lui, jubilant de le savoir seul et énervé ici, se réjouissant de sa vengeance puérile. Il finit par sortir des toilettes, et se dirigea vers les escaliers, tentant d'ignorer la boule d'angoisse qui se formait doucement mais sûrement au creux de son ventre, alors que dans son esprit tournaient inlassablement les quelques paroles murmurées par Nicolas, comme une menace à ne surtout pas négliger.


____La journée avait été terriblement longue, et la sonnerie venait à peine de retentir que Tom se précipitait déjà hors de la salle. Lorsqu'il avait rejoint sa classe d'espagnol à 14h, il avait trouvé les autres garçons assis sur le sol devant la porte, ricanant joyeusement de manière calme et détendue, chassant l'horrible scénario que son esprit agité lui avait soufflé, et qui restait tapi dans un coin sombre de son esprit. Il avait sourit, soupirant de soulagement, pénétrant dans la salle d'un pas rapide et assuré. Puis, petit à petit, l'angoisse était réapparue, bien plus puissante, grossissant de minutes en minutes jusqu'à presque l'assommer, le noyant sous un flot de questions et ne le quittant plus. Le dreadé avait passé les trois heures suivantes à se ronger les ongles, tentant de calmer les tressautements dans ses jambes tout en séchant ses mains moites d'anxiété contre le tissu rêche de son jean. Le besoin de vérifier si Bill ne lui avait pas envoyé un sms rassurant lui avait presque brûlé les doigts, et il avait du se faire violence pour s'empêcher de pianoter sur son clavier des excuses désespérées, se trouvant ridicule. A plusieurs reprises, les professeurs, agacés par son inattention l'avaient tiré du tourbillon bouillonnant de pensées qui torturait son esprit, le fixant de leurs yeux plissés et réprobateurs. Le dreadé avait soupiré, griffonnant quelques notes saisies au hasard, tentant d'ignorer les regards lourds de doutes qui pesaient sur ses épaules et qui l'oppressaient.

____Dévalant les escaliers le plus rapidement possible, Tom reconnut la voix de Matt dans son dos, qui lui criait d'attendre. Le dreadé l'ignora, et pressa le pas, rabattant la capuche de son sweat sur sa tête, se glissant dans la foule agitée que les salles de classes libéraient les unes après les autres. Au second étage, il ralentit la cadence, longeant les couloirs en cherchant des yeux la silhouette familière de Bill. Enfin, il l'aperçut, sortant de sa propre classe, et riant joyeusement en agitant ses mains en l'air, comme à son habitude. Le dreadé s'apprêtait à se diriger vers lui, quand son regard tomba sur la personne qui l'accompagnait et il se stoppa dans son geste, pétrifié de surprise. Bill était en pleine conversation avec ce blond dont il lui avait parlé, Andréas, qui lui souriait en le dévorant des yeux, fermement accroché à son bras, et cette vision lui coupa le souffle. Quelques secondes s'écoulèrent durant lesquelles il resta complètement immobile, ne pouvant détacher ses yeux de la scène qui se déroulait devant lui. Une main s'abattit fortement sur son épaule, et la voix essoufflée de Matt le tira de sa contemplation :

« Hé, mec, pourquoi t'es parti si vite ? On aurait dit que... »

Il ne finit pas sa phrase, un petit gloussement s'échappant de ses lèvres.

« Hé ben, s'ils sont pas mignons tous les deux. On dirait bien que cette tapette de Bill s'est trouvé une jolie petite copine. »

____Matt riait joyeusement, son regard noir vissé sur la silhouette fine de Bill qui se perdait à travers la masse grouillante de lycéens. Tom sentit ses yeux s'humidifier, et baissa la tête, courant dans la direction opposée, bousculant les élèves qui circulaient dans les escaliers. Lorsqu'il poussa la porte du lycée, l'électricité dans l'air le frappa au visage, et il leva les yeux au ciel, couvert de nuages noirs et bas. Il avait l'impression de voir son monde s'effriter petit à petit, comme si tout coulait autour de lui sans qu'il ne puisse rien y faire, comme si une puissance qu'il ne maîtrisait pas s'efforçait par tous les moyens à détruire sa vie, lentement, consciencieusement, étape par étape

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