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Ca me touche beaucoup.
Chapitre 48Près d'une semaine était passée. Une semaine à s'aimer et à se le montrer, à se laisser vivre, à se laisser ressentir, à se laisser être, ensemble. Tom et moi étions ensemble maintenant. On avait réussi à se retrouver, et à trouver une sorte d'équilibre tous les deux. On avait même nos petits rituels et nos habitudes. La plupart de notre temps, on le passait chez moi, Tom ne pouvant pas vraiment se promener en public sans risquer d'être reconnu et ainsi son séjour écourté. On restait donc collé l'un à l'autre, entre le canapé et la chambre, entre la cuisine et la piscine, appréciant chaque instant comme si c'était le dernier.
Il y avait évidement une raison à cela : on savait l'un comme l'autre que ça n'allait pas durer. Tom devait repartir, et Dieu seul savait quand on aurait l'occasion de repasser ainsi du temps ensemble, rien que tous les deux, à s'aimer sans contrainte, sans planning, sans média, sans un entourage oppressant. Il me semblait que l'on évitait tous deux ce sujet délicat, on n'avait même pas abordé la question, peut être par crainte de mettre fin à ce que l'on vivait sur l'instant. Parce qu'on aurait bien pu vivre ainsi pour l'éternité me semblait-il, d'amour et d'eau fraîche dit-on, sans jamais se lasser de l'autre, sans jamais vouloir autre chose.
Il était encore tôt ce matin, mes pensées m'avaient tirée du sommeil malgré moi, et mon inconscient semblait cogiter presque tout seul, à la recherche d'une solution à un problème que je me refusais même de définir jusqu'à présent. Tom m'avait promis une semaine avec lui, et le délai était arrivé à terme. Certes, il n'avait pas dit "sept jours", peut être que c'était "environ une semaine", peut être que l'on pouvait encore gagner un peu de temps. Il était bien installé à présent, ses affaires mélangées aux miennes comme s'il avait toujours vécu ici. Il ne semblait pas prêt de partir et je n'étais pas prête à le laisser non plus.
J'étais allongée sur le ventre, les bras croisés sous mon visage, dans la pénombre de ma chambre préservée des rayons du soleil déjà haut dans le ciel par les volets que j'avais fermés la veille. J'étais nue, et les draps du lit ne recouvraient que le bas de mes jambes, le reste des couvertures gisant sur le sol. Le matelas bougeait à mes cotés. Andrew allait être heureux de savoir que personne n'avait squatté son lit.
Une douce caresse remonta du bas de mon dos jusqu'à ma nuque, me faisant frissonner alors que mes sens n'étaient pas encore bien réceptifs. Une autre caresse, et enfin un baisé au creux de mes épaules, suivi d'une cascade de bisous qui dévalaient ma colonne vertébrale jusqu'au bas de mon dos et gravissaient mon postérieur comme une colline aux formes arrondies et à la texture tendre. Je n'avais pas ouvert les yeux que je souriais déjà. Telle était ma vie avec lui. Un sourire, des éclats de rires, des gémissements de plaisir, et un profond bonheur continu.
Plus tard dans la journée, on avait enfin quitté mon lit, notre nid, pour prendre un petit déjeuné tardif, comme on avait coutume de le faire. Tom me racontait une anecdote sur Gustav qui l'aurait bien embarrassé s'il était présent, et je l'écoutais, amusée, tout en me gavant de tartines de confiture.
Tom : ... C'est là qu'on a entendu un gros BOUM !! Et plus de batterie. Ca m'était déjà arrivé de débrancher ma guitare par accident, et je l'entendais bien que je jouais dans le vide, mais le public lui ne s'était rendu compte de rien. Tandis que la batterie, on l'entend tout de suite quand elle ne joue plus. Tout le monde sur scène s'est tourné vers Gustav, même Bill, du coup il a encore plus attiré l'attention sur le problème. Les fans n'auraient peut être même pas remarqué sinon, mais avec Bill qui se retourne, t'imagine !
J'acquiesçai la bouche pleine. Il parlait toujours si vite quand il essayait de raconter quelque chose d'un bout à l'autre, tellement habitué à ce que son double lui coupe la parole et lui vole la vedette.
Tom : Pendant un instant, on ne voyait plus Gustav derrière son instrument. On commençait à s'inquiéter. Puis il réapparut au-dessus de sa batterie, tout rouge et essoufflé. Il était tombé de son tabouret ! Vraiment le truc con.
Il rigolait et gesticulait, il était en plein dans l'action. Je le trouvais tellement adorable.
Tom : Encore pendant une répétition, ça aurait été marrant sans plus, mais là, devant huit milles personnes... il ne savait plus où se mettre. Enfin tu le connais, ce n'est vraiment pas le genre de truc qu'il apprécie. Mais nous trois, franchement, on était morts de rire. On essayait de continuer de jouer malgré tout, et heureusement Gustav se remit bien vite en place et le reste du concert se déroula bien. Mais en sortant de scène, tout le monde - même les mecs de l'équipe - restait à trois mètres de Gus et n'osait rien lui dire, tellement on sentait qu'il allait péter un câble. Georg a appelé sa soeur...
Le sonnerie du téléphone de Tom se mit à retentir au loin.
Tom : m*rde, mon portable !
Il se leva d'un bond et fila vers le salon, se guidant à l'oreille pour trouver le petit appareil. Je reposai ma tartine sur mon assiette et frottai mes mains l'une contre l'autre brièvement pour en enlever les miettes avant de le suivre. On survola du regard les meubles du salon et Tom le retrouva sur l'accoudoir d'un fauteuil. Il l'agrippa et jeta un oeil sur le petit écran.
Tom avec un soupir : David.
Je dois dire que moi non plus je n'étais pas ravie. Il appelait sûrement pour savoir quand Tom allait revenir, ce qui voulait dire nous séparer, à moins que je ne reparte avec lui, mais je ne me sentais pas prête à ça du tout. Evidement, les autres me manquaient, ainsi que l'ambiance de la tournée, bouger de ville en ville et vivre l'aventure Tokio Hotel de l'intérieur. C'était un autre rythme de vie, et j'en étais nostalgique aujourd'hui.
Bill aussi, il me manquait. Nos discussions, nos échanges, notre complicité, notre amitié, sa spontanéité, sa sensibilité et ce petit plus que je ne saurais mettre en mot, tout ceci me faisait cruellement défaut à présent. Il était mon meilleur ami, et ce pendant des mois, avant que je ne fasse l'erreur d'en vouloir plus et de finir par tout détruire. On a peu souvent l'occasion de devenir si proche de quelqu'un, de rencontrer une personne avec qui "ça" colle, tout naturellement, dès le premier instant, et - en général - jusqu'au dernier. Si j'étais proche de Tom, si je l'aimais, c'était un sentiment bien distinct de ce que je pouvais ressentir pour Bill. J'avais besoin de ces deux relations pour me sentir entière, et cette constatation me faisait mal parce que j'imaginais difficilement Bill me pardonner de l'avoir trahi et trompé. Pourtant, dans mes souvenirs plus anciens, je le vois encore venir vers moi d'un pas léger, un sourire radieux illuminant les traits fins de son visage, se raconter à moi, m'ouvrir une voie vers son intimité qu'il préservait de presque tous les autres. Je pouvais encore ressentir cette joie d'être à ses cotés, de partager sa vie, tel un souvenir gravé à jamais et qui me rendait infiniment nostalgique. Nostalgique parce que nos derniers échanges étaient bien loin de tout ça, il était froid et distant, je n'arrivais plus à le reconnaître face à moi, et pourtant quand il s'adressait aux autres, il semblait toujours le même.
Oui, il me manquait. J'avais envie de le revoir au moins autant que je craignais cette rencontre.
Tom ouvrit l'appareil et leva les yeux vers moi en m'envoyant un regard que je qualifierais de triste et désolé, se doutant que cet appel mettrait fin à son séjour ici.
Tom : Oui Dav' ? ... Bien bien ... Ouais, je suis toujours chez Allison ...
Il prit un air étonné.
Tom : Oui, elle est là ...
Il leva encore une fois les yeux vers moi avant de les baisser sur le sol et d'écouter ce que son interlocuteur lui narrait. Il sembla surpris dans le mauvais sens du terme. Ses sourcils se froncèrent et il semblait inquiet.
Tom : Mais comment ?!!? ... Ok ... Oui.
Il vint vers moi et me tendit le combiné. Je le regardais d'un air interrogatif et perplexe. Que voulait-il que je dise à David ? Si Tom devait repartir maintenant, je savais bien que je n'avais pas mon mot à dire. Je hochais la tête de façon négative en faisant de grands yeux.
Tom : Prends-le, il va t'expliquer.
J'étais un peu perdue, mais je pris l'appareil.
Allison : Allô ?
David : Oui. Bonjour Allison.
Allison : Bonjour.
Un silence, et un soupir à l'autre bout du fil.
David : Il est arrivé quelque chose ce matin, un accident. L'équipe montait l'échafaudage de la nouvelle scène - avant qu'on ne l'expédie Outre-Atlantique pour les prochaines dates - et un des pilonne qui soutenait le plafond a lâché. Plusieurs personnes ont été blessées, mais ton frère s'occupait d'une partie des raccordements électriques au sol juste en-dessous à ce moment là... Plusieurs dizaines de kilos de ferraille sont tombées sur lui.
Il marqua un temps d'arrêt, attendant peut être que je lui pose des questions, mais je restais sans voix.
David : Les secours ont été prévenus immédiatement, et il a été pris en charge seulement quelques minutes après l'incident. Allison, tu es toujours là ?
J'acquiesçai bien qu'il ne pouvait pas me voir. J'avalai ma salive avec difficulté et répondis d'une voix faible : Oui.
David : Son état est stable. Il est dans les soins intensifs de l'hôpital de Leipzig. Il s'est cassé plusieurs côtes, et l'avant bras, mais c'est surtout le traumatisme crânien qui inquiète les médecins. Ils ont fait des radios et il n'a aucune lésion ou fracture du crâne, ce qui est très positif, mais comme il n'a pas encore repris connaissance, ils ne peuvent pas évaluer les séquelles éventuels dont il fera l'objet.
Il marqua un temps d'arrêt, et reprit : A vrai dire, ils ne savent pas quand il se réveillera... mais ça peut arriver d'une minute à l'autre.
Je sentais qu'il essayait d'être optimiste et de me rassurer, en n'évitant à tout prix le mot qui aurait pu me faire peur : coma. Pourtant c'est la première chose qui me vint à l'esprit, ça me semblait grave et rimait presque avec un autre mot plus sombre encore.
David : Tout va bien se passer, il est très entouré ici, et cet hôpital a un très bon service de traumatologie. Est ce que tu peux me repasser Tom, s'il te plaît ?
Je ne répondis rien et tendis l'appareil vers Tom.
Tom : Oui ? ... Oui, bien sûr. ... Entendu. ... Ok, bye.
Je me laissais glisser sur la chaise qui se trouvait par un heureux hasard derrière moi. Le regard vide. J'avais l'impression qu'on venait de me frapper, de me pulvériser, et tout ceci, sans même m'avoir touché. On dit que dans ces moments là, bien souvent on ne réalise pas, on ne comprend pas vraiment ce qui se passe. Mais moi, je comprenais, vraiment, entièrement, la gravité de la situation, peut être bien parce que je l'avais déjà vécue. Une sensation de déjà vu. J'avais l'impression d'avoir de nouveau dix ans, et de me sentir si petite et insignifiante face à une situation hors de mon contrôle. Je fixais le sol, déconnectée, comme assommée.
Pourquoi avait-il fallu qu'une telle chose se produise ? Ne pouvait-on pas revenir juste quelques minutes en arrière, refaire sonner le téléphone, et que David demande simplement à Tom de repartir, que j'en sois morte de chagrin et qu'on se dise au revoir ? J'aimerais rejouer cette scène, avoir une autre chance.
Tom se mit dans mon champ de vision, accroupi devant moi, ses mains sur mes cuisses, un air concerné recouvrant ses traits. Je ne l'avais pas entendu appeler Lucas la minute d'avant, et lui demander de passer nous chercher au plus vite. Quand la sonnette retentit, je sursautai et m'étonnai de le voir apparaître dans mon salon.
Tom à Lucas : Tu peux récupérer mes affaires dans les chambres à l'étage ? Et rapidement, s'il te plaît.
Tom se mit debout face à moi, et releva mon visage de sa main sous mon menton, pour avoir mon attention.
Tom : On va aller à l'hôpital, d'accord ? On y sera dans une ou deux heures tout au plus.
J'acquesçai en silence.
Tom : Ca va aller, il est entre de bonnes mains, tu as entendu David ?
Allison : Oui...
Je me levai et passai ma main dans mes cheveux en essayant de me ressaisir. J'espérais qu'il avait raison, mais je n'y croyais pas vraiment, j'étais persuadée au fond de moi qu'il allait m'être enlevé comme nos parents jadis, que c'était mon destin d'une certaine façon de me retrouver toute seule. Mais dans l'immédiat, je préférais ne penser à rien, laisser le doute flotter et attendre de voir ce qu'il se passerait.
Bien vite, Tom m'avait guidé jusqu'au véhicule et on avait pris la route. J'étais collée contre lui, mon visage au creux de son cou, son bras encerclant mes épaules, je regardais la route défiler devant mes yeux. La sonnerie de son portable retentit à nouveau, et je la maudissais intérieurement de m'avoir apporté la pire nouvelle imaginable. Je baissai les yeux sur l'écran que Tom tenait dans sa main : Bill.
Tom : Ouais ? ... Vraiment ?
Il m'envoya un regard avec un demi sourire et je me redressai un peu, curieuse de savoir ce qui avait provoqué cette mimique.
Tom : C'est génial ! On arrive d'ici une heure. ... Ok, à toute.
Il se tourna vers moi, alors que j'étais agenouillée face à lui sur les luxueux fauteuils en cuir.
Tom : Il s'est réveillé !
J'avais du mal à le croire. Mes pensées étaient montées crescendo jusqu'à imaginer le pire. Et là, c'était tout le contraire qui venait de se produire.
Allison : Et il va bien ?
Tom : Bill m'a juste dit qu'il parlait un peu, il a prononcé quelques mots. Les médecins sont en train de lui faire des tests.
Allison : Ok... ok.
Je préférais ne pas sauter de joie tout de suite, ce qui lui était arrivé était grave, et il n'était sûrement pas encore complètement tiré d'affaire. Et j'avais peur aussi de me réjouir, de me dire que tout va bien et que d'un seul coup, il se repasse une catastrophe et que je retombe dans le néant. Alors je restais mitigée et incertaine.