[Fanfiction terminée] Les yeux du cobra.

____La glace sur son œil apaisait doucement la douleur, la sensation de froid paralysant les terminaisons nerveuses et diminuant la migraine qui l'envahissait et qui lui martelait la tête. Tom maintint le sachet de glace pilée sur son hématome, couinant quand une douleur plus vive s'élança dans tout son corps, comme si elle voyageait librement dans ses veines. Le son de la télé résonnant contre les tôles sifflait près de ses tympans, tambourinant de manière désagréable, et il souffla d'agacement. Il pensa une seconde à hurler aux autres gars de baisser le volume, mais la perspective d'élever la voix ne serait-ce que quelques secondes le fit grimacer. Il fronça les sourcils quand une nouvelle onde de douleur s'élança depuis son œil meurtri, l'ombre de Kevin près de lui se dessinant sur le sol bétonné du hangar. Le dreadé tourna la tête vers lui, croisant son regard préoccupé posé sur l'hématome bleu qui tournait lentement au violet foncé.

____Les deux garçons se fixèrent quelques secondes, puis Kevin se leva d'un geste lent, tapotant de manière rassurante l'épaule de Tom avant de s'engouffrer à l'intérieur du hangar. Tom tendit l'oreille, attentif au bruit de ses pas résonnant au milieu de l'immense rez de chaussée presque vide, et perçut vaguement des murmures bas et étouffés. Le sifflement strident des mitraillettes émanant de la télévision se réduisit, pour disparaître presque totalement et Tom ferma les yeux de soulagement en sentant la sensation de migraine qui lui serrait la tête se dissiper presque immédiatement. Kevin réapparut à ses côtés, un verre empli d'eau et une aspirine dans les mains. Il les lui glissa dans la paume, et s'occupa de maintenir le sachet de glace sur son œil pendant que Tom avalait le comprimé. Le dreadé reposa le verre vide près de ses pieds, fixant ses baskets blanches sans les voir, perdu dans ses pensées. Il adressa un faible sourire au brun près de lui, lui murmurant un merci sincère et lui envoyant un regard reconnaissant. Kevin hocha la tête, retirant le sac de glace et observant avec attention le coquard noir qui se dessinait sur la paupière gonflée de Tom.

« Ça va mieux ? », demanda-t-il, après quelques secondes, brisant le silence qui les entourait.

« Hum, ouais, ça passe doucement... », marmonna Tom, grimaçant à l'élancement douloureux qui l'envahit.

« Il t'a pas loupé en tout cas », souffla le brun d'une voix hésitante.

____Tom souffla et ferma les yeux, chassant la douleur qui lui serrait le cœur, même si celle-ci ne venait pas de son œil enflé et violacé, mais des paroles murmurées par Kevin. Dans le silence qui régnait, les paroles de son père tournaient et se répétaient sans cesse, et Tom déglutit, tentant de penser à autre chose pour éviter que les larmes de colère et de déception qu'il sentait s'accumuler derrière ses paupières closes ne soient trop visibles. La main rassurante de Kevin se posa sur son genou, et sa voix calme et amicale parvint à ses oreilles, brisant le flot désagréable de pensées et de souvenirs qui le hantaient.

« Tu veux en parler ? »

« Y'a rien à dire », souffla le dreadé d'une voix blanche, réajustant la casquette sur sa tête, et cherchant à dissimuler la lueur blessée qui brillait au fond de ses yeux derrière la large visière.

« Tom, tu racontes ce que tu veux aux autres, mais pas à moi. Depuis quand on est potes tous les deux ? », murmura le brun à ses côtés.

____Tom tourna la tête vers lui, croisant son regard presque fraternel, et répondit au léger sourire qui ornait ses lèvres, les souvenirs de leurs nombreuses années d'amitié défilant dans son esprit. Il rit plus franchement, repensant à toutes les conneries qu'ils avaient pu faire ensemble, aux heures de colle partagées, aux fou-rires échangés, et à sa présence rassurante lorsqu'il en avait eu besoin. Tom hocha la tête, soufflant d'une voix calme et nostalgique :

« Un p*tain de paquet d'années. »

Un large sourire étira les lèvres de son vis-à-vis, et une lueur émue brilla dans son regard le temps d'une seconde.

« J'suis certainement celui qui te connait le mieux, vrai ? »

____Le dreadé acquiesça en souriant sincèrement, lui lançant un regard sincère et posé. Kevin était incontestablement le seul à qui il faisait réellement confiance, le seul qu'il écoutait et dont l'avis lui importait. Même si Tom le tenait parfois à l'écart, et qu'il ignorait presque tout de sa vie en dehors du gang, il savait que s'il devait un jour parler de sa relation avec Bill à quelqu'un, il se confierait sans hésiter à Kevin. Quand les souvenirs de leurs moments de complicité lui revenaient en tête, comme à cet instant, il pouvait entendre cette petite voix en lui, celle qui lui disait qu'il pourrait compter sur le brun dans n'importe quelle situation, comme ils se l'étaient déjà prouvés mutuellement par le passé. Tom sentit une vague de bien-être déferler en lui à cette constatation, et il fixa la main du brun, toujours posée de manière rassurante sur son genou, soufflant d'une voix qui trahissait son émotion :

« Vrai. »

« Alors, si tu veux en parler, je t'écoute. »

« Qu'est-ce tu veux que j'te dise ? », souffla Tom, secouant la tête de manière lasse, sa voix chancelant dangereusement, brisée par la colère et la déception qui lui serraient la gorge.

____Un silence serein s'installa lentement entre eux, et Tom réfléchit intensément, bercé par la brise légère qui apaisait l'élancement douloureux au dessus de son œil. Le ciel qu'il apercevait au delà des hauts entrepôts était presque entièrement blanc, les nuages le recouvrant d'un voile opaque. Du coin de l’œil, Tom observait le brun à ses côtés, ses traits calmes et son visage posé le rassurant de manière presque instantanée. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il lui semblait que leur amitié avait toujours fonctionné de cette manière ; Kevin assis à ses côtés, attendant patiemment qu'il se décide à parler, attendant ses confidences dans le silence qui les entourait. Tom ferma les yeux, et retira d'un geste las le bandeau et la casquette qui reposaient sur son front, et qui appuyaient de manière désagréable sur son hématome. Il se sentait mis à nu, ne pouvant se dissimuler derrière sa large visière comme il en avait l'habitude dès qu'il se sentait fragile et vulnérable.

« Il est devenu un tel p*tain de conn*rd », finit-il par chuchoter, ses paroles soufflées par le vent s'envolant dans l'air de cette matinée d'Octobre.

____Il avait à peine murmuré ces quelques mots, d'une voix presque inaudible, pourtant il était certain que Kevin l'avait entendu, comme s'il lui suffisait de lui jeter un simple coup d’œil pour deviner ce qui lui pesait sur le cœur. Pendant quelques secondes, Tom se fit la réflexion que c'était peut-être ça l'amitié, la vraie, l'amitié sincère qui dure malgré les années qui défilent et qui tentent de nous éloigner. La voix calme et nostalgique de Kevin le sortit de ses pensées, et Tom fixa ses genoux, attentif aux murmures du brun à ses côtés.

« Je me souviens quand on était gosse, je l'adorais. Ton père, j'veux dire, il a... enfin, il avait une p*tain de prestance, d'assurance. Je l'admirais, et toi aussi. Il était notre modèle. T'étais tellement fier de lui, quand il venait nous chercher à l'école ou quand ils nous laissaient gagner au babyfoot ou à toutes ces conneries qu'il a pu faire avec nous... »

« Mais c'était avant. Tout a changé depuis... »

____Tom se stoppa dans sa phrase, incapable d'en dire plus, sentant sa gorge se serrer douloureusement et l'empêcher de prononcer les mots qui tournaient dans sa tête. Il ferma les yeux, se concentrant pour chasser ces mots, interdits chez lui, ceux qu'ils n'avaient plus jamais eu le droit de prononcer devant ses parents, et qu'il avait appris à oublier, comme un secret enfoui profondément dans ses souvenirs. C'était les mots qui représentaient ce passé qu'il n'évoquait jamais, ou seulement avec Kevin, ces mots qui renvoyaient à cette douleur, celle dont il parlait tout bas, celle qu'il gardait bien au chaud. Il déglutit, fermant fortement les yeux jusqu'à sentir à nouveau cette douleur diffuse qui émanait de son œil enflé. Cette douleur, il pouvait la maîtriser, il lui suffisait de placer quelques instants le sachet de glace pilée pour la sentir se réduire puis disparaître. A l'inverse, la douleur qui l'étouffait à ces souvenirs restait enfouie en lui, profondément, et il savait qu'il ne pourrait jamais s'en débarrasser, que les séquelles de ce passé qu'il affectionnait tant seraient gravées en lui à jamais.

« Je sais, Tom. Je sais », chuchota Kevin, le fixant du coin de l’œil.

____Le blond ouvrit les yeux doucement, grimaçant au tiraillement venant de son hématome, et hocha la tête, tous ses souvenirs lui revenant d'un coup et l'assommant presque de leur poids étouffant. Il n'avait pas pensé à tout ça depuis des mois, s'efforçant de vivre en refoulant le plus loin possible ce passé qu'il regrettait tant, celui auquel il s'autorisait à penser seulement une fois la nuit tombée. Oui, Kevin connaissait tout de lui, il connaissait ses anciennes faiblesses pour les avoir partagées, même si ses cicatrices s'étaient refermées avec les années, au même rythme que leur amitié s'était fanée, le temps les ayant éloignés sans qu'ils ne s'en aperçoivent réellement.

« Au début, j'pensais que ça lui passerait, qu'il aurait besoin de quelques mois pour s'en remettre, mais il a jamais pu », continua Tom d'une voix rauque.

____Depuis combien de temps attendait-il de pouvoir enfin prononcer ces mots ? Il se sentait comme s'il avait attendu des années avant d'enfin ressentir ce soulagement l'envahir, lui alléger le cœur et lui permettre d'avancer. Il souffla doucement, se concentrant sur les paroles qui lui échappaient sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, serrant fortement entre ses doigts tremblants le tissu rêche de son bagguy.

« Il a continué à boire, et il est devenu une vraie loque. Et ma mère est stone H24, elle carbure aux antidépresseurs toute la journée et se rend compte de rien. Elle me voit pas. J'existe même plus pour elle. »

____Tom entendit sa voix se briser sur la fin de sa phrase, et il laissa une seule et unique larme de rage dévaler ses joues, avant de l'effacer avec colère du revers de la main. Il sentit la poigne réconfortante de Kevin frôler son avant bras, avant que des bruits de pas n'attirent son attention. Une ombre floue et imposante couvrit le sol sous leurs pieds, et Tom croisa brièvement le regard désolé et quelque peu énervé que Kevin lui adressait avant que celui-ci ne s'exclame joyeusement en direction des trois silhouettes qui se tenaient derrière eux :

« Alors, vous avez fini d'hiberner ? »

« Y'a plus de bière », grogna Matt en reniflant dédaigneusement, et Tom ricana, observant le visage blasé de Kevin pendant qu'il levait les yeux au ciel.

« Ça va mieux, ton œil ? », demanda Étienne, désignant d'un geste du menton son hématome violacé.

____Tom hocha la tête, souriant doucement. Étienne n'était pas mauvais, il n'était qu'un gamin perdu et un peu bête qui avait eu la malchance de croiser leur route et qui s'était laissé entraîner dans les gangs, par curiosité, peut-être aussi par intérêt. Il jouait le dur, agissant comme s'il était sûr de lui, alors qu'il se contentait de suivre les ordres, d'acquiescer à chaque parole, trop craintif pour prendre de réelles initiatives et réellement s'imposer. Il suivait le mouvement, désireux de se faire respecter sans trop en faire. Tom haussa les épaules. Après tout, c'était une technique comme une autre, et même si le brun lui tapait souvent sur le système, il préférait largement son attitude un peu lâche au comportement agressif de Matt ou au regard transperçant de Nicolas qu'il sentait posé sur lui, le détaillant minutieusement alors qu'un sourire hypocrite étirait ses lèvres.

« Bon, sinon, Alex est venu chercher ses 5 grammes, comme chaque samedi », marmonna Etienne en sortant une petite liasse de billets de sa poche.

« J'adore ce mec ! », couina Matt en sautillant sur place, laissant son rire gras et désagréable résonner contre les tôles du hangar.

____Alex n'était qu'un gosse de riches qui vivait dans les quartiers plus huppés, et qu'ils avaient rencontrés en s'incrustant dans une des fêtes qui se déroulaient dans les luxueuses villas de la périphérie de la ville. Toutes les semaines, il venait leur acheter quelques grammes de poudre blanche, pour s'assurer de passer un bon week, et pour satisfaire ses invités. Pour eux, il n'était qu'un client parmi tant d'autres : ils se contentaient juste de revendre ce que de plus gros fournisseurs leur refourguaient. Ils n'étaient qu'une minuscule étape intermédiaire dans la longue chaîne des trafics de drogue, et se contentaient d'une petite part du gâteau. Le hangar désaffecté qu'ils squattaient était l'endroit idéal pour dissimuler ce genre de drogue, et ils en profitaient simplement, restant discrets dans leurs commandes pour ne pas attirer l'attention. Tom secoua la tête. Après tout, ce n'était vraiment pas grand chose.

« Et ça fait combien déjà, 300€ divisé par 4 ? », questionna Matt, ses sourcils se fronçant et son visage disgracieux se tordant sous la réflexion.

« 100 pour moi, et 50 pour chacun de vous », répondit Tom en riant, remuant les sourcils de manière joueuse.

____Une volée de coups s'abattit sur lui et il grogna de douleur, riant doucement alors que les quatre autres gars feintaient de le mettre à terre, lui assénant quelques claques amicales sans qu'il n'essaie de se débattre. Il secoua la tête, l'ambiance joyeuse et légère teintée de leurs rires enjoués emplissant le hangar, tentant d'oublier la légère pointe de douleur qui lui serrait toujours le cœur.

[…]

____Du coin de l’œil, Tom fixait le visage calme de Bill face à lui, l'observant à travers sa paupière enflée et à demi fermée. Il jouait de manière automatique, sans réellement s'en rendre compte, ses doigts grattant sa guitare comme s'ils glissaient eux mêmes sur les cordes au même rythme que ses souvenirs glissaient dans son esprit. Désespérément, il tentait de focaliser son attention sur le brun assis près de lui, sur le contact de leurs cuisses se frôlant contre les draps, pour chasser les images de la veille qui tournaient en boucle dans sa tête, depuis que les rires joyeux des quatre gars avaient quitté le hangar, le laissant seul dans le silence de ses pensées.

____Après sa discussion avec Simone sur le parking du lycée la veille, Tom avait exceptionnellement filé chez ses parents au lieu de se rendre au hangar où Bill et lui avaient l'habitude de se retrouver chaque vendredi. Le brun était rentré avec sa mère, lui promettant qu'il passerait le voir le lendemain, et Tom avait acquiescé, l'embrassant du bout des lèvres en sentant le regard de Simone posé sur eux. Il avait traversé d'un pas léger sa petite cité, saluant de temps en temps quelques connaissances, et envahi par le soulagement de savoir que Simone l'acceptait et lui accordait sa confiance.

____A peine la porte de son appartement franchie, il avait posé les yeux sur la forme avachie dans le canapé, distinguant les contours flous de sa mère pelotonné sous une vieille couverture de laine. La télé grésillait fortement, les images renvoyées par l'écran floutées par les volutes de cigarette qui s'échappaient du cendrier débordant posé sur la table basse. Alors qu'il saisissait entre ses doigts fins les mégots écrasés et calcinés qui recouvraient le bois tâché, il avait vaguement entendu des pas rapides venant du couloir derrière lui, et avant qu'il n'ait pu se retourner vers cette agitation inattendue, il s'était retrouvé au sol. La douleur sourde venant de son œil l'avait envahi doucement, glissant en lui par vagues violentes en même temps que son esprit assimilait les mots crachés par son père. Tom ferma fortement les yeux, revoyant derrière ses paupières closes la grande et large silhouette au dessus de lui lui hurler de ne plus découcher en semaine.

____Lorsqu'il avait rejoint le hangar le jeudi après les cours, tentant de refouler l'envie qui lui tiraillait les entrailles et jusqu'au moment où il s'était offert au brun, il n'avait jamais pensé un instant qu'un seul de ses parents remarqueraient son absence. Tom soupira, souriant discrètement à la petite voix dans son esprit lui chuchotant que la nuit qu'il avait passée avec Bill surpassait largement la douleur qui émanait de son œil violacé, et qu'il prendrait sans hésiter la même décision si l'occasion se représentait, même si les conséquences seraient à nouveau marquées un coquard noir et douloureux. La main de Bill glissa sur sa cuisse, et Tom sourit, se concentrant sur les notes qu'il jouait et non sur la chaleur diffuse qui se glissait dans son corps.

____Après le départ de Kevin et des autres ce matin, il avait appelé le brun, lui demandant s'il pouvait passer au hangar dans l'après-midi. Sa présence près de lui lui manquait, et il ressentait ce besoin de l'avoir à ses côtés, d'entendre son rire cristallin et de voir l'éclat de ses yeux autant qu'il le voulait. Il l'avait entendu demander la permission à sa mère, il avait distingué la voix calme de Simone lui disant de rentrer tôt le lendemain, s'il voulait profiter de quelques crêpes matinales, et le bruit mouillé du baiser qu'elle avait déposé sur son front avant que Bill ne claque la porte lui avait serré le cœur, lui rappelant un amour maternel auquel il n'avait plus droit.

____Tom déglutit doucement, fermant les yeux brièvement alors que ses doigts stoppaient leur danse lente sur les cordes rêches. Il tourna la tête vers Bill, croisant son regard rieur posé sur lui, et abandonna la guitare sur le matelas, fixant de manière interrogatrice le sourire malicieux qui étirait ses lèvres. Il secoua la tête, souriant en réalisant qu'il savait exactement à quoi Bill pensait, comme s'il avait la folle capacité de lire dans son esprit.

« Quoi ? Vas-y, sors la, ta vanne pourrie. »

« J'essayais juste de t'imaginer avec du maquillage. Ça te va bien l’œil au beurre noir... », murmura Bill, ses doigts frais glissant sur sa paupière tuméfiée.

____Tom grogna en levant les yeux au ciel, glissant ses mains le long du dos de Bill qui s'installait sur ses genoux, appréciant le contact rassurant de sa peau nue et douce sous ses doigts.

« N'y pense même pas », souffla-t-il à son oreille, observant la moue concentrée sur le visage du brun.

« T'es pas drôle », râla le brun.

____Bill bouda quelques secondes, avant que la lueur amusée qui brillait dans son regard ne se transforme en une lueur d'inquiétude, ses traits se fronçant sous la réflexion. Ses doigts continuaient de frôler son hématome, le contact frais de sa peau apaisant la douleur, et il chuchota d'une voix douce :

« T'as mal ? Tu devrais mettre de la glace dessus pour le faire dégonfler. »

____Hochant la tête doucement, Tom repensa au regard préoccupé que Kevin avait posé sur lui le matin même, et à la pointe d'inquiétude qu'il avait perçue dans sa voix, étonné que constater que leur amitié, qu'il croyait avoir été engloutie par les années était toujours aussi forte, comme si le lien invisible qui unissait deux gamins était bien trop tenace pour être rompu. Étrangement, cette pensée lui allégeait le cœur, chassant presque la désagréable sensation de tiraillement au dessus de sa paupière, et il plongea son regard dans celui de Bill qui attendait une réponse, parlant d'une voix calme et détachée :

« Ça m'étonnerait que quelqu'un chez moi ait préparé quoique ce soit dans ce style-là. Ma mère est pas du genre à s'occuper de mes hématomes. J'aurais pas de crêpes qui m'attendront demain matin, tu sais... »

____Comme à chaque fois, Tom sentit son cœur se serrer à ses paroles et ferma les yeux. Il n'y prêta pas réellement attention, trop habitué à la présence familière de cette pointe de douleur dans sa poitrine. Ses pensées s'égarèrent dans ses souvenirs, ceux d'une époque où sa mère était encore une femme souriante et attentionnée, fière de l'atmosphère chaleureuse de sa famille. Il rouvrit doucement les paupières, plongeant dans le regard triste de Bill avant que celui ci n'enfouisse son visage dans son cou, respirant son odeur familière.

« Tu sais quoi ? Je te fais la promesse qu'un jour, tu goûteras aux crêpes du dimanche de ma mère », chuchota Bill, sa bouche déposant un léger baiser sur sa peau.

« Enfin, quand j'aurais parlé de toi à mon père », ajouta-t-il en grimaçant, fronçant les sourcils en une moue boudeuse et enfantine.

____Tom ricana doucement, glissant ses doigts dans le chevelure douce et soyeuse du brun, resserrant sa prise sur ses hanches et rapprochant leurs deux corps. Le silence les enveloppait, et il sourit faiblement en sentant les battements calmes et réguliers de leurs deux cœurs contre son torse. Il ferma les yeux, profitant de la sensation d'apaisement qui l'envahissait au contact chaud et rassurant de Bill.

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