[Fic' terminée] Online

Il … Tombait. Sa chute libre durait depuis plusieurs minutes déjà, et l’immeuble duquel il avait sauté semblait sans fin. Tout à coup sa chute ralentit, et il flottait maintenant tranquillement dans l’air, battant des bras pour se stabiliser. Ce mouvement vertical le secouait légèrement. Une chose était certaine : ce n’était pas réel. Et une chose menant à une autre, il se rappela ce que Tom lui disait souvent en riant : « Tu sais, Bill, rêver qu’on vole est synonyme de grande abstinence sexuelle ! ». Peu lui importait, puisque la sensation était tout simplement agréable, malgré l’inexplicable intensification des secousses …

- Hey ! Réveille-toi ! Allez, ouvre les yeux ! … S’teuplait, ne me fais pas ce coup là, pas aujourd’hui ... J’ai franchement pas le temps.

Il ouvrit les yeux. Il était là, allongé sur l’asphalte, la nuque dans les mains d’une jeune fille qui le secouait vigoureusement. Sa vision se fit peu à peu plus nette, et la vague silhouette féminine se révéla enfin. Ses magnifiques yeux bleus contrastaient avec une flamboyante chevelure dont le vent faisait virevolter quelques mèches. Sa bouche pulpeuse était parfaitement dessinée, simplement sublimée par un léger baume. Une vision. Une nymphe. Une panthère. Non, mieux, une lionne. Ou alors …

- Enfin ! Merci. Allez, je t’aide à te relever.

Et sans lui laisser le temps de reprendre ses esprits la jeune fille l’empoigna avec force et le souleva de terre. Il se releva brusquement et vacilla, mais elle le retint par la taille.

- Non non, ne retombe pas 01.09.89, ce ne sera pas nécessaire.
- 01.09.89 ? se contenta-t-il de répéter, hébété.
- Oui, c’est ce qui est marqué sur ta gourmette. Habituellement les gens font graver leur prénom. C’est plus commun. Bon, trêve d’inutile, je vois que tout va bien, rassure-toi ton petit minois n’a aucune égratignure, j’étais ravie de faire ta connaissance.

Elle lui serra énergétiquement la main et ouvrit la portière de sa voiture. S’apprêtant à s’asseoir, elle stoppa finalement pour se retourner vers l’inconnu.

- … Ca va ? Besoin d’aide ?
- Non, ça ira, merci.

Il eut un sourire franc, auquel elle répondit. Le soleil rendait à ses cheveux couleur flamme toute leur magnificence, et ses taches de rousseur la rendaient simplement magnifique. Il y avait tellement longtemps qu’il n’avait pas pris le temps de contempler la mystérieuse et attrayant gente féminine. Il en aurait presque oublié ce qui la différencie des hommes. Mais Tom veillait au grain pour le lui rappeler chaque fois qu’il l’estimait nécessaire. Il était tout simplement incapable de bouger, tant les yeux de l’inconnue le captivaient … Mais la vérité l’arracha une nouvelle fois à ses pensées.

- Et la prochaine fois si tu veux t’évanouir, choisis la voiture de quelqu’un d’autre !

Elle claqua la porte et passa la première pour s’éloigner à vive allure. Il resta là, à la regarder disparaitre, encore un peu sonné. Lorsque la voiture eut disparu du décor, il fit volte-face pour regarder autour de lui. L’interminable route de campagne coupait un pré verdoyant qui s’étendait à perte de vue. Constatation numéro une : il avait marché longtemps, très longtemps, vraiment très longtemps. Constatation numéro deux : cette fille n’avait manifestement jamais passé son brevet de secourisme. Constatation numéro trois : il était à présent paumé au milieu de nulle part, et il allait encore une fois donner à son frère l’occasion de lui dire « un jour, tu finiras toi-même par avouer que je suis indispensable à ta survie ! ». Il fouilla dans sa poche, en ressortit son téléphone, pressa la touche du dernier appel et porta l’appareil à son oreille.

- Tom, c’est moi. Ecoute, il faudrait que tu viennes me chercher. Je suis sur la route déserte qu’on a traversée ce matin. Oui. Enfin non … Personne à part une fille un peu dérangée qui m’a … Je te raconterai. Non, ça n’a rien d’érotique ! Comment ça tu t’en doutais ? Bon, je t’attends.

Here it is : the new chapter ! Bon on arrive à la moitié ... Courage, c'est bientôt terminé XD. C'est grave long par contre ...


Chapitre 3 : Plan B


Les règles étaient simples : pas de contact visuel. Pas de contact téléphonique. Pas de question.

Cela faisait maintenant plusieurs mois qu’il entretenait une correspondance avec sa mystérieuse confidente. Elle s’était peu à peu intensifiée, passant de quelques messages par mois à plusieurs par semaine, et maintenant presque un par jour, et il bouillait d’excitation chaque fois qu’il ouvrait un de ses mails. Chaque lettre paraissait plutôt banale, ne relatant la plupart du temps que ce qu’ils avaient fait de leur journée, leurs états d’esprits, leurs billets d’humeur. Mais elle était la seule personne en dehors de ses proches à qui il n’hésitait pas à se confier à cœur ouvert.

Cher Thomas,
J’espère que tu vas bien. J’ai décroché un boulot dans une agence d’intérim. C’est pas vraiment la fête, mais c’est toujours ça. Je vais devoir participer à plusieurs manifestations et faire des rapports que je devrai filer à des journalistes de magazines un peu glauques. La bonne blague ! Tu te rends compte, je vais bientôt faire partie de ces gens qui critiquent sans fondement juste pour faire vendre. Ca m’emmerde un peu quand même … Prochaine mission le 14 à Genève. Le truc moins réjouissant c’est que Fred m’a plaquée. Je sais, pour la cinquième fois. Je ne sais toujours pas pourquoi je me remets toujours avec ce tocard. T’as de la chance d’être célibataire. Au moins tu ne t’entiches pas de poireaux. Il m’a plaquée par SMS, la connerie, même pas le courage de venir me le dire en face. Ca fait bien une bonne heure que je chiale comme une madeleine et j’ai déjà foutu en l’air toute une boîte de kleenex. Tous mes mouchoirs usagés trônent fièrement dans ma corbeille. Quand on y pense sa fait des dizaines de milliers de microbes qui se baladent joyeusement dans mon appart’ … Mais je ne préfère pas y penser. Du coup je me suis dit que j’allais t’écrire, peut-être que ça me consolera, je sais pas. J’espère que tu me répondras vite, parce que je vais rapidement tomber à court de mouchoirs ! Au moins il fait beau aujourd’hui. Bon, je vais te laisser, mon studio est un vrai entrepôt, j’en ai pour plusieurs heures de ménage et de rangement.
Je pense fort à toi.
=)

- Tu fais quoi ?

Bill sursauta et referma son ordinateur.

- Tom ! Tu m’as foutu la trouille, jamais tu frappes ?
- Si, quand j’estime que c’est nécessaire. Je reprends : tu fais quoi ?
- Rien.

Tom lâcha un petit rire moqueur.

- quoi ?
- te fous pas de moi … T’étais encore en train de lire un mail de Julie
- Julia …

Il tapota nonchalamment la couverture d’une couchette du bus et s’assit dessus, face à Bill.

- Arrête, sérieux, tu prends ça trop à cœur. Et puis au final c’est quoi ? Une liaison avec une fille, d’ailleurs t’es même pas certain que ça en soit une mais je peux aller vérifier si tu veux …
- Tom !
- … Avec laquelle tu ne parleras jamais, et que tu ne verras jamais. C’est minable comme plan. Tu te contentes de déballer ta vie comme ça sans être certain qu’elle en ait grand-chose à faire …
- Merci du conseil, si un jour je me rends compte qu’il pourrait éventuellement m’être utile, je le prendrai en considération …

Les yeux dans le vide, Tom sourit à la réaction de son frère. Il trouvait que son cynisme avait quelque chose d’à la fois attendrissant et affligeant.

- Bon, si jamais t’as envie de te reconnecter avec la réalité, tu me trouveras en train de fumer une clope dehors. Gustav tient absolument à me raconter sa nuit torride d’hier.
- QUOI ?
- Non je plaisante, c’était juste pour vérifier que tu m’écoutais. Je serai donc dehors en train de fumer une clope – ou deux, ou trois – tout en écoutant Georg me raconter sa vie sentimentale. Sérieux c’est prenant, comme si on y était.

Il se leva et ouvrit la porte. Mais il se retourna avant d’ajouter

- Et tu tireras les draps quand tu t’en vas, parce que c’est sur mon pieu que t’es assis. Et si je le fais le matin c’est pas pour que tu mettes à feu et à sang dans la journée.
- Oui dieu …
- « Oui MON dieu » tu veux dire.

Il mordilla son piercing en riant cyniquement et disparut. Bill ouvrit de nouveau son ordinateur et relut le mail.

… Tu te rends compte, je vais bientôt faire partie de ces gens qui critiquent sans fondement juste pour faire vendre. Ca m’emmerde un peu quand même … Prochaine mission le 14 à Genève. …

- Le 14 à GENEVE !

Sa respiration s’accéléra à mesure qu’il relisait ces quatre mots. La coïncidence était trop grande. Le 14 au soir le groupe donnait un concert dans cette même ville, et sauf événement qui lui aurait échappé, il était le seul gros rendez-vous ce soir là. Sa crainte n’était pas qu’elle le voie sans le savoir, ou qu’il sache qu’elle était là, mais plutôt qu’elle rédige un papier acerbe sans savoir de qui elle parlait réellement. Il mesura alors tout le problème de la vie qu’il avait décidé de mener, source de tant de bonheur mais aussi de tant d’échecs auxquels l’article de Julia allait bientôt s’ajouter.

Chère Julia,
Je suis ravi pour ton boulot, et désolé pour Fred. J’espère que je réponds assez vite. Je ne suis pas très doué pour ce qui est de réconforter les gens, mais je te dirai que tu l’aimais et que toutes les bonnes choses ont une fin. Au moins, on est tous les deux dans la même galère maintenant. Je ne sais pas si j’ai vraiment de la chance de rester célibataire. J’avoue que c’est assez pesant parfois, mais certains aspects de ma vie m’empêchent de pouvoir m’épanouir pleinement. Depuis quelques mois, ma vie sociale est au point mort. Mais mon boulot est génial et de toute manière ça reste ma priorité comme tu le sais déjà. J’espère que tu ne me prendras pas pour un fou ou un asocial. Mais je pense qu’on ne s’est pas tout dit, et que certaines choses ne peuvent pas simplement s’écrire dans un mail. Je sais qu’on s’est fixé des règles et je sais que je reviens encore une fois dessus, mais il faudra bien qu’on saute le pas un jour. En parlant de Genève, je vais …

Bill s’immobilisa un instant, cherchant ses mots.

- Pas de question. Pas de question, se répétait-il, il faut que j’amène ça autrement …

… visiter, et le 14 au soir je vais à un concert avec mon frère. Tu parles d’une coïncidence. Je crois que c’est le moment de sortir ta super théorie sur le destin et les grandes lignes de ta vie déjà écrites. Ce serait peut être le moment d’aller boire un café … Ou pas. Bon il faut que je te laisse, ma pause clope m’attend. Et OUI, je sais que c’est pas bien pour ma santé. Je sais que c’est ce que tu viens de penser. Mais merci de t’en préoccuper.
A bientôt,
=)

Il cliqua sur « envoyer » et referma son laptop. Il resta assis, les yeux dans le vague, sentant au fond de lui que cette relation venait de prendre un tournant. Il regretta un instant de lui avoir proposé de se rencontrer. Un millier de questions se bousculaient maintenant dans sa tête, et les scenarios défilaient les uns après les autres. Avait-il vraiment envie de la rencontrer physiquement ? Allait-elle changer de regard sur lui en apprenant qui il était réellement ? Lui en voudrait-elle de lui avoir menti tout ce temps ? Cette rencontre allait-elle changer l’image qu’il avait d’elle ?
D’un geste rapide il attrapa son paquet de cigarettes qui traînait sur la table de chevet et se leva. Il prit soin de retirer la couverture du lit de Tom et se tourna vers la porte. Mais alors qu’il s’apprêtait à sortir, il fit demi-tour et tira d’un geste sec le drap de Tom pour faire une grande froissure au milieu du lit. Il contempla le résultat et aborda un sourire satisfait avant de faire demi-tour pour sortir du bus.

***

Boîte de réception (1)


Il avait nerveusement attendu ce message toute la journée. La pendule fixée au mur affichait 02h17. Il cliqua sur le mail qui s’ouvrit instantanément.

Mon petit Thomas,
Tout d’abord, sache que je t’interdis de te moquer de mes théories sur le destin. Parce que j’ai toutes mes raisons d’y croire après ce que tu viens de me dire, sauf si tu me fais marcher … Et ça aussi je te l’interdis ! Je viens de passer ma première soirée en tant que nouvellement de nouveau célibataire. Mon appart’ est nickel, j’ai carrément retrouvé un vieux baume à lèvres que j’avais perdu l’hiver dernier, tu te rends compte ! Je suis morte de honte sur place quand j’ai vu cette chose sous mon armoire derrière une pile de magazines pour jeunes pubères en mal d’amour. Il n’y à qu’à toi que je le dis parce que je sais que tu ne pourras le répéter à personne. Après j’ai réchauffé au micro-ondes des lasagnes surgelées et je les ai mangées devant Love Actually. Je crois que je suis maso … Je t’imagine déjà te marrer devant ton écran à lire ça, mais figure-toi que ça m’a fait un bien fou !
Pour en revenir à Genève, je ne te garantis rien mais un café me ferait très plaisir.

Le cœur de Bill s’emballa. Un milliard de mots, d’images et de sentiments venaient de faire intrusion dans son cerveau qui s’apprêtait tout bonnement à exploser. Il ne savait plus quoi penser ni quoi dire et encore moins quoi faire.

Il faudrait juste qu’on puisse s’identifier l’un l’autre. Maintenant que j’y pense on ne sait pas vraiment à quoi l’autre ressemble. Mais on aura tout le temps de le découvrir. Oh et puis tu sais quoi je ne suis plus à une expérience tarée près : allons-y pour un café ! Et tu n’as pas intérêt à te défile au dernier moment parce que si une personne doit avoir la trouille, c’est moi ! On se fixe le lieu et l’heure dès qu’on a plus d’infos ! Bon, il est tard je vais aller noyer mon chagrin sous ma couette. Réponds-moi vive petite tête !
A Bientôt
=)

Bill sourit et ferma le message. Il était tard et bien que sa tête ait été sur le point d’exploser, il préféra tenter de ne pas penser. Peut-être devrait-il lui aussi aller enterrer ses soucis sous sa couette. Cette pensée lui rappela la nuit où cette histoire avait commencée. Cela lui paraissait flou à présent, mais les images qui lui restaient faisaient naître une agréable chaleur dans sa poitrine. En fait, il mourrait d’envie de la voir, mais il ne voulait pas avoir à affronter les mensonges qu’il avait été obligé de lui raconter pour dissimuler sa véritable identité. A cet instant précis, tout lui parut clair. Il attrapa son téléphone et composa en hâte un numéro.

- Andreas ? … Oui ça va et toi ? … 02h21. Et chez nous ? … Non, ils sont dehors … Dans le bus, ouais … Je t’appelais pour te demander un service. Tu te rappelles la fois où tu m’as dit que si un jour j’avais un souci tu serais toujours là pour moi ? … Oui, en fait je crois que le jour en question, c’est aujourd’hui …