Le futur est passé... « Je cours. Au coin du couloir, je prends à gauche. Un autre couloir. Interminable. Je n'en vois pas le bout. Je continue de courir, et une sueur froide coule le long de ma colonne vertébrale. Je n'arriverai jamais à sortir de ce labyrinthe infernal. Les portes défilent dans mon champ de vision, les chiffres dorés se mélangeant. Une impasse. Je suis arrivé au bout et il n'y a rien. Le néant. Je me recroqueville sur moi même, un poids énorme m'oppressant de toute sa force. Je suis coincé ici. A jamais... »Je suffoque. J'ouvre les yeux, et me rends compte que j'ai la tête enfoncée dans mon oreiller. Les cheveux me collent aux tempes, trempés. Je roule sur le dos et fixe le plafond en essayant de calmer ma respiration saccadée. Quel cauchemar! La sensation d'oppression ne m'a pas quittée. Je m'appuie sur mes coudes et me lève, lentement. Je repousse le drap brûlant et marche pieds nus sur la moquette rouge bordeaux jusqu'aux grands rideaux de la même couleur. Il fait encore nuit, j'ouvre un pan et la lune ronde émet une lumière blafarde dans ma chambre. On voit la Tour Eiffel se découper au loin. Je vais encore être en forme pour le dernier concert... J'espère que ma voix ne va pas me lâcher. Je me triture les mains, un boule d'angoisse au ventre. Instinctivement, j'attrape mon paquet de cigarettes et en porte une à ma bouche. Il m'en reste 3, il faudra que je pense à en acheter. Je cherche mon Zippo dans la poche de mon jean roulé en boule et fait jaillir une flamme. Je tire une longue latte et souffle, un peu plus détendu. Debout, face à la fenêtre, la lune m'inondant de sa lumière, je contemple la capitale française, silencieuse. J'ai vite fini de fumer, me recouche et ferme les yeux.
Mon Black Berry me réveille quelques heures plus tard. Les yeux encore collés, je me dirige vers la salle de bains. Le Plaza est vraiment mon hôtel favori car la cabine de douche est équipée de tous les jets massant inimaginables et fournit pleins de soins beauté de très bonne qualité. J'entre sous l'eau et me détend quelques instants. Je tends la main vers mon peignoir mais glisse sur le marbre et tombe à genoux.
- p*tain de m*rde!
Ca y est, ça m'a mis de mauvaise humeur pour la journée. Rageusement, j'attrape la serviette et me sèche rapidement. Mes vêtements préparés la veille pendent sur un portant et je les enfile. Je sors ma trousse de maquillage et entreprend de me peinturlurer. Je n'ai pas envie de me mettre toutes ces couches qui cachent mes yeux cernés et mes traits fatigués. Évidemment, il faut paraître en forme devant ces journalistes de mes deux et nos fans! Un sourire forcé, qui paraît plus être une grimace envers mon reflet et je sors prendre mes affaires pour la journée.
Quelques instants plus tard, je rejoins les autres dans la salle à manger.
- 'Lut!
Tom, la bouche pleine de croissant, me fait un signe. Georg me fait un sourire, et Gustav ne m'entend pas, plongé dans sa lecture de « Die Welt ».
- J'ai mal dormi, j'ai fait un horrible cauchemar. Et vous ?
-Moi non plus je n'ai pas beaucoup dormi... me réponds Tom avec un sourire narquois.
- Ouais, on sait tous pourquoi! réplique Georg, amusé.
Tom a dragué une fille hier soir au bar de l'hôtel. Je n'ai pas assisté à la suite puisque je suis monté me coucher mais bon, ce n'est pas difficile à deviner. Il m'exaspère, il m'avait dit qu'il n'aspirait plus à ces « rencontres » d'un soir et là, dès qu'il en a l'occasion, il saute sur tout ce qui bouge.
- Oh non mais je te jure, elle était trop mmh... Tu sais, c'est comme les cacahuètes, dures à ouvrir mais après tellement bonnes!
Georg rit. Ha ha... Je pioche dans le panier de viennoiseries et mange difficilement, une boule m'empêchant d'avaler. Depuis ce cauchemar, je suis tendu. Pourquoi ? Aucune idée. Gustav sort de sa léthargie et replie le journal.
- Bon, vous avez bientôt fini ? David nous a donné rendez-vous dans le hall à 11h et il ne nous reste plus que 10 minutes.
- C'est bon Gus', relax! réplique Tom après avoir bu d'un trait son café.
Notre équipe de sécurité nous encadre, on souffle un bon coup, et on franchit les portes de l'hôtel. Les cris fusent, la tension est à son paroxysme. On nous tend des feuilles vierges, des posters, des pochettes de Cds,... On y laisse une trace de stylo tout en se dirigeant vers le van. Comme à chaque fois, on est soulagés une fois assis dans la voiture, en sécurité. Mais ça recommence, toujours, dès que l'on sort, comme ici à la maison d'édition d'un magazine.
- Bonjour les garçons, bienvenue! nous salue l'interprète.
- Salut...
Tom m'interroge du regard. Je fais signe de laisser tomber et m'assois. Je ne suis pas motivé pour répondre aux habituelles questions des journalistes, je suis fatigué...
Pourquoi l'album s'appelle-t-il « Humanoid » ? Êtes vous contents d'être en France ? Quel est votre genre de filles ?Pourquoi n'y a t-il que Bill sur la pochette du cd ? Gnagnagna...
Tom et moi répondons par un discours bien rôdé, et on passe au shooting dans la pièce à côté. Ca me plaît déjà plus. Sous l'œil de l'appareil photo, je m'amuse, embête mon frère, …
Quelques heures plus tard...
- Thank you so much Paris! See you next time!Les griffes d'acier de la boule se referment sur nous tandis que les derniers accords de «
Für immer jetzt » résonnent encore parmi les cris des fans. C'était vraiment un concert extraordinaire! Je suis encore tout ému, notre dernière date de cette tournée éprouvante. Je rejoins la loge, on vient m'aider à retirer mon costume moulant afin que je puisse prendre une douche rapide et me changer.
- Vous avez fait du bon boulot, comme toujours, bravo! Vient nous féliciter David.
Je rejoins Tom juste à la sortie du Palais Omnisports.
- Bon concert non ? me demande mon jumeau.
- Oui, super! Même s'il n'était pas rempli...
Tom fait une moue. Ce fut un de nos plus gros soucis sur cette tournée avec l'annulation de certains concerts, les critiques des médias,... Ca n'a pas été notre meilleure année. Mais les fans sont toujours là, prêtes à nous soutenir quoi qu'il arrive. Je souris à cette pensée, ça me réchauffe le cœur. On rejoint directement l'hôtel, pas d'after ce soir puisqu'on se lève vraiment tôt pour prendre l'avion demain matin, direction Hambourg, direction maison... Je retire la carte de la fente et pousse la lourde porte. Rien que la vue de mon lit douillet me donne envie de m'y plonger. Je retire mes vêtements, mes chaussures et pose ma tête sur les oreillers rembourrés, en espérant de ne pas encore cauchemarder...
« Je cours. Au coin du couloir, je prends à gauche. Un autre couloir. Interminable. Je n'en vois pas le bout. Je continue de courir, et une sueur froide coule le long de ma colonne vertébrale. Je n'arriverai jamais à sortir de ce labyrinthe infernal. Les portes défilent dans mon champ de vision, les chiffres dorés se mélangeant. Une impasse. Je suis arrivé au bout et il n'y a rien. Le néant. Je me recroqueville sur moi même, un poids énorme m'oppressant de toute sa force. Je suis coincé ici. A jamais... »Impression de déjà vu.
Encore ce sentiment d'être condamné à tourner en rond, sans but. Sentiment d'oppression. J'ouvre les yeux, de nouveau dans mes oreillers. Je m'assois dans mon lit et regarde l'heure sur mon téléphone : 3h04. Comme hier sûrement. Je me lève, prends directement une cigarette dans mon sac. Je me frappe le front : j'ai encore oublié d'en acheter, il ne m'en reste que 2! Feu, j'ai besoin de feu. Je fouille dans mon sac. Je suis persuadé de l'avoir glissé dedans hier en me recouchant! Sans convictions, je vide les poches de mon jean et trouve le briquet avec surprise. Tendu, j'ai besoin de plusieurs bouffées de nicotine pour me sentir mieux. Je tire le rideau. La lune toute ronde est toujours là, et son aura illumine de nouveau ma chambre. Je fronce les sourcils : hier elle tenait position juste derrière le haut de la Tour Eiffel et elle n'a pas bougée. Même que, perdu dans ma contemplation, je m'étais fait la réflexion qu'elle paraissait être embrochée par la tour de fer. Je hausse les épaules, jette mon mégot, referme l'épais voilage et me couche.
Je ne suis pas tiré de mon sommeil par les vibrations de mon téléphone, mais plutôt par le boucan qui règne à l'étage au dessus. J'attends l'heure prévue pour me lever, il doit être très tôt puisqu'on a rendez vous à 7h au hall afin de se rendre à l'aéroport international. Je savoure ma douche pendant de longues minutes. Je mets un pied dehors sur le marbre froid et tends le bras vers le portant. Je glisse et tombe sur le sol, les genoux écorchés.
Impression de déjà vu. Je me relève en frottant mes rotules abimées et me sèche. Je m'apprête à quitter la salle de bains afin d'aller piocher des vêtements dans ma valise - j'étais trop fatigué hier pour les préparer – et constate avec surprise que ma tenue de la veille est pliée et repassée sur le portant.
Impression de déjà vu. Je m'habille, me maquille et me coiffe, mal à l'aise. Je récupère mon Black Berry sur la table de chevet et descends dans la salle de déjeuner. Tom a encore la bouche pleine, Gustav lit encore son journal et Georg me sourit.
Impression de déjà vu.
- Bonjour! Bien dormi ?
- Moi non : je n'ai pas beaucoup dormi... me réponds Tom avec un sourire narquois.
- Ouais, on sait tous pourquoi! réplique Georg.
Ils se moquent de moi là ou quoi ?!! Ils rejouent exactement la même scène qu'hier, avec les mêmes répliques. Ils ne paraissent pas blagueurs pour un sou pourtant...
- Oh non mais je te jure, elle était trop mmh... Tu sais, c'est comme les cacahuètes, dures à ouvrir mais après tellement bonnes! Reprends Tom.
Je ris. Tom me regarde avec malice.
- Bill qui rit à une de mes blagues sur le cul, non mais c'est exceptionnel ça! T'as vu ça Ge' ?
- J'avoue! Ca va bien Bill ?
Je cesse tout de suite de rire. Ils me regardent avec sérieux.
- Vous pourriez être acteurs les mecs! Bravo pour votre scénario du « on rejoue exactement la même scène qu'hier matin » ! Les mêmes répliques au mot près, c'est du lourd!
Leur expression a totalement changée : l'incrédulité se lit sur leurs visages. Le doute commence à m'envahir... Je penche la tête et regarde la date inscrite sur le haut du journal : Mercredi 14 Avril 2010. Mon cœur manque de rater un battement. Suis-je encore en train de cauchemarder ou bien ?! Je me masse les tempes et tente de faire disparaître l'étau qui pèse de plus en plus dans ma tête mais suis interrompu par notre batteur qui décroise les jambes :
- Bon allez, on se bouge les gars, on a rendez-vous...
Je n'écoute même plus, trop troublé. Je monte me brosser les dents et en profite pour avaler un cachet. Devant le parvis de l'hôtel, il y a toujours les mêmes fans, les mêmes cris, … On fait halte devant le journal où je sais pertinemment les questions qui vont être posées. L'interprète se tient au même endroit, avec son sempiternel sourire...
Même si le public, la salle, étaient les mêmes, j'ai de nouveau tout donné. La scène est vraiment mon élément. Je retourne dans la boule, tout en continuant de chanter, jusqu'à ce qu'elle se ferme complètement et que les derniers accords cessent. Je m'éponge le front et file à la douche. Comme hier soir, David entre.
- Vous avez fait du bon boulot, comme toujours, bravo!
- oui, oui...
Je soupire et tourne le dos afin de rejoindre Tom à la sortie. J'entends David questionner Gustav :
- Qu'est ce qu'il a Bill ?
- Aucune idée...
Je ferme la lourde porte métallique.
- Bon concert non ? me demande une nouvelle fois mon jumeau.
- Oui très bon! je réponds, me disant qu'il faut bien changer de discours un peu.
Les Gs nous rejoignent quelques minutes plus tard, et on prend la direction de l'hôtel. Une fois arrivé dans ma chambre, je prends soin de mettre mon briquet en évidence sur ma table de chevet et de rouler en boule mes vêtements après les avoir retiré. Je m'allonge, l'esprit trop en ébullition pour m'endormir. Ca n'existe que dans la fiction les journées qui se répètent à l'identique, ce n'est pas possible! Je ne suis pas fou, j'ai bien vécu deux journées parfaitement pareilles! Je rejoins les bras de Morphée sans même m'en rendre compte...
« Je cours. Au coin du couloir, je prends à gauche. Un autre couloir. Interminable. Je n'en vois pas le bout. Je continue de courir, et une sueur froide coule le long de ma colonne vertébrale. Je n'arriverai jamais à sortir de ce labyrinthe infernal. Les portes défilent dans mon champ de vision, les chiffres dorés se mélangeant. Une impasse. Je suis arrivé au bout et il n'y a rien. Le néant. Je me recroqueville sur moi même, un poids énorme m'oppressant de toute sa force. Je suis coincé ici. A jamais... »Non, non, non!! Pas encore! Ce n'est pas possible! Je bondis hors de mon lit, fiévreux, et regarde sur ma table de chevet si le briquet est là : aucune trace. Je fouille nerveusement mon jean et le trouve dans la poche gauche, toujours la même. Je prends une cigarette et l'allume, tirant dessus comme un forcené. J'entrouvre les rideaux : l'astre est omniprésent, embroché dans la dame de fer. Sa lumière blanche, qui avant m'apaisait, me donne la frousse. Suis je condamné à vivre éternellement cette journée? Mon cauchemar est devenu réalité : je tourne en rond, encore et toujours. Je me jette sur mon lit et gémis en enfouissant ma tête dans les oreillers.
Bzz...Bzz...Bzz... Ah tiens! C'est différent d'hier : je suis réveillé par mon portable. Ah oui mais comme au premier jour... Je me lève, vais à la salle de bains, regarde derrière la porte : mes vêtements, toujours les mêmes, sont pliés et repassés sur le portant. Comme d'habitude. Je prends soin de mettre le peignoir bien à portée de main pour ne pas une fois de plus abîmer mes genoux. Même une douche chaude ne m'aide pas à me détendre. Normal, vous seriez détendu vous si vous saviez que vous viviez pour la troisième fois la même journée ? Non. Je m'enroule dans mon peignoir, m'assois sur le rebord de la baignoire et soupire. Quelle est la solution ? Il n'y en a pas, bien sûr. Je me vêtis, me maquille et descends retrouver les trois autres zouaves. Ils sont toujours dans la même position.
- Je ne demande pas si vous avez bien dormi...
- Oh moi pas beau...
- Oui pas beaucoup on le sait, d'ailleurs là Georg c'est à ton tour de répliquer « Ouais on sait tous pourquoi! ».
- Hé hé bien joué Bill! Me répond le brun.
- Hmm... je grimace en buvant une gorgée de mon café.
- Oh non mais je te jure, elle était trop mmh... Tu sais, c'est co... commence mon jumeau.
- Comme les cacahuètes, dures à ouvrir mais après tellement bonnes! On sait Tom, je crois qu'on a compris qu'elle était bonne roh!
Tom est surpris.
- Waow mais Bill que t'arrive-t-il ? Je ne l'ai jamais sorti celle çi et tu la connaissais ?!
- Tom tu la sors depuis 3 jours cette phrase! Je réponds, exaspéré.
J'avais oublié que j'étais le seul à vivre cet enfer. Tom hausse les épaules et finit de manger. Gustav plie son quotidien et s'apprête à prendre la parole, mais je le devance.
- Oui, on va se bouger, on a rendez-vous à 11h dans le hall, merci de nous le rappeler Gus'.
- Il s'est transformé en Madame Irma cette nuit ou quoi? Rigole Gustav, en poussant du coude Tom.
Je repose brutalement ma tasse sur la soucoupe et sors de table bruyamment. Ils m'énervent, qu'est ce qu'ils m'énervent! Je ne les rejoins qu'au dernier moment dans le hall, récoltant un regard désapprobateur de David. Cette fois ci, je prends plus de temps à signer des autographes et donner des sourires à mes fans : quitte à faire tous les jours les mêmes actes, autant procurer de la joie aux meilleures fans du monde. Je réitère devant la maison d'édition et rentre à contre-cœur pour donner nos interviews. Je tapote nerveusement mon genou, Tom le remarque et pose sa main sur la mienne en me souriant, condescendant. Une fois le photo-shooting terminé, on part directement vers Bercy...
- Merci beaucoup Paris! See you next time, we love you guys!Je m'essuie le visage en descendant les marches en fer. Seuls la musique et le public arrivent à me faire oublier cette angoisse, ce jour sans lendemain.
- Vous avez fait du bon boulot, comme toujours, bravo! Revient à la charge David.
- Merci David. On rentre à la maison demain matin ?
- Oui, vous l'avez bien mérité! Me répond-il dans un sourire.
Je devance Tom et cette fois-ci c'est moi qui l'attends dehors. Je me tords les mains.
- Tom...? Je peux te demander un truc...
- Oui ?
- Est ce que... tu va me prendre pour un fou mais... est ce que je peux dormir avec toi cette nuit ?
Tom rit mais se ravise en voyant mon expression sérieuse.
- Mais , qu'est ce qu'il se passe Billou ?
- Je me sens angoissé depuis quelques jours, je fais toujours le même cauchemar et...
Non, je ne vais quand même pas lui dire! Il va me prendre par un fou, il va s'inquiéter et m'harceler pendant des jours entiers...
- ...et j'ai besoin d'une présence avec moi alors...
- Mmh bon c'est d'accord.
Il me sourit. Heureusement qu'il est là mon frère! On rentre à l'hôtel et je rentre à sa suite. C'est un vrai capharnaüm sa chambre!! Je me déshabille et me glisse dans les draps, laissant une grande place à Tom. J'espère que sa présence va agir comme un grain de sable dans les rouages de cette machine infernale qui va me faire devenir fou.
- Bonne nuit Tom. Et merci.
- De rien. J'espère que ça va aller.
J'ai à peine le temps d'acquiescer, un sourire aux lèvres, que mes paupières lourdes se ferment, malgré la peur qui me tenaille de me réveiller de nouveau en pleine nuit après mon cauchemar...
« Je cours. Au coin du couloir, je prends à gauche. Un autre couloir. Interminable. Je n'en vois pas le bout. Je continue de courir, et une sueur froide coule le long de ma colonne vertébrale. Je n'arriverai jamais à sortir de ce labyrinthe infernal. Les portes défilent dans mon champ de vision, les chiffres dorés se mélangeant. Une impasse. Je suis arrivé au bout et il n'y a rien. Le néant. Je me recroqueville sur moi même, un poids énorme m'oppressant de toute sa force. Je suis coincé ici. A jamais... »-Noooooooooooooooooooooooooooooooooon!
J'ouvre les yeux et me surélève sur mes coudes, haletant. Je cherche Tom du regard, sans trop d'espoir : en effet, aucune trace de mon frère, je suis bien dans ma chambre. Et de nouveau le Mercredi 14 Avril 2010... D'un bond, je tire les rideaux, pour vérifier, on ne sait jamais. La lumière blafarde confirme bien ma crainte. Je prends ma tête entre mes mains moites. Quand vais-je me réveiller de ce cauchemar insoutenable ?! Qu'ai-je fait pour mériter cela mon Dieu ?! Abattu, je ne cherche pas à retenir les larmes de désespoir de couler sur mes joues. Je gis ainsi pendant un bon moment, recroquevillé au pied de mon lit et baigné dans la lumière lunaire. Mes sentiments intérieurs changent : je passe du désespoir à la rage. Il y a bien une solution! Je vais prendre mon paquet de Marlboro, entre dans la salle d'eau et constate bien que mes vêtements que je mets depuis maintenant 4 jours sont sur le portant. Je ne les porterai pas un 5ème jour, hors de question! Et je ferai tout pour empêcher cela!
J'enfile un jogging, et sors de ma chambre. Je tourne la tête à gauche, à droite, personne. Je prends à gauche et marche, tourmenté. Plus j'avance et plus j'ai l'impression que ce couloir, ces portes, ces numéros de chambres dorés, sont les répliques exactes du décor de mon cauchemar...Non, impossible! En même temps, il n'y a rien de rationnel dans ce que je vis depuis quelques jours. Paniqué, je lance des coups d'œil furtifs derrière moi, et me mets soudain à trottiner doucement. J'arrive au bout du couloir, qui se divise en patte d'oie. Lequel prendre ? Droite. Identique au précédent. J'arrive vite au bout, mes jambes s'animant seules de plus en plus rapidement. Un nouveau choix de direction. Gauche. Pareil. Mon échine s'hérisse. Je suis en train de vivre mon cauchemar. Je suis dans un vrai labyrinthe! Je prends une nouvelle direction à tout hasard, ma vue se troublant, mon cœur serré d'angoisse et mon souffle saccadé. Je n'en vois pas le bout. Un mur. Blanc. Immaculé. Plus rien. Je m'adosse à celui ci, la tête entre mes genoux. Je pleure. Je suis perdu. Un objet dur me coince la jambe. Je glisse ma main dans la poche et en ressort le paquet froissé de cigarettes. Je l'ouvre. Une seule, la dernière. La « clope du bonheur » comme on l'appelle. Je la porte à ma bouche et ferme les yeux. Lorsque j'actionne mon briquet, je fais le vœu de revenir à ma vie d'avant, ma vie normale de chanteur sur les routes, de frère sur qui on peut compter, d'ami en qui on peut se confier, de fils qui ne décevra jamais, … Je souhaite de me réveiller le matin du Jeudi 15 Avril. Je tire une bouffée de fumée, ouvre les yeux. Sur ma droite, le gros logo avec la cigarette barrée de rouge me nargue. Je lui tire la langue. Mon Dieu Bill, deviens-tu fou ? J'hausse les épaules. Au point où j'en suis.... Alors que je continue de fumer, je fronce les sourcils. S'il y a bien quelque chose qui n'a pas été modifiée durant ces jours ci, c'est bien le nombre de clopes qui diminuaient tous les jours. Mais oui! J'en fumais une chaque fois debout devant la fenêtre, après mon cauchemar, même qu'à chaque fois je me répétais qu'il fallait que j'en achète un nouveau paquet ! Si la mécanique était si bien rodée, mon paquet devrait toujours contenir 4 cigarettes! Et là, je suis en train de terminer la dernière...
- Bill ! Bill! Bouge toi p*tain, on va rater l'avion mon vieux!
- Hein euh...
J'ouvre les yeux. Oh...mon...Dieu. Je regarde autour de moi, je suis dans mon lit, et mon frère s'affaire autour de moi.
- Tom, Tom, dis moi quel jour on est, je t'en supplie!
- Mais t'es con ou quoi ? Jeudi! On rentre là.
- Merci, oh c'est génial! On est jeudi, super!
Tom secoue la tête en me faisant les gros yeux. Je saute de mon lit, cours à la salle de bains : le portant est vide. Je vérifie la date sur mon Black Berry : Jeudi 15 Avril 2010, 6h20. Je n'arrive pas à y croire! Tout s'est remis en ordre! Sautillant, je reviens dans la chambre, enfile un jean et une veste, et aide mon frère à ranger mes affaires. Je ramasse un vieux t-shirt et tombe sur le paquet de Marlboro, vide et abîmé. Je reste en réflexion penché dessus. Et si tout ça était arrivé parce que je fumais trop et que quelqu'un avait voulu me punir...? Parce que c'est la dernière cigarette qui a tout réglé. D'un geste cérémonieux, je jette le paquet dans la corbeille.
- Tom, j'arrête de fumer définitivement. Et tu devrais toi aussi, il pourrait t'arriver des problèmes...
Das Ende...