Note de l'auteur en spoiler
- Spoiler:
Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Je tenais absolument à écrire cette review avant Bercy, et ce ne fut pas une tâche facile étant donné mon état d'esprit cette semaine passée. Je voulais faire court, et je n'y suis pas arrivée. J'ai d'abord écrit ce texte pour moi-même, pour garder une trace et m'en décharger, et je vous le fais partager
Bonne lecture
Review du concert de Genève du 03/04/2010Deux semaines après le concert de Nantes, Sophie et moi repartions sur les routes pour une nouvelle aventure, à Genève cette fois.
Il nous fallut près d'une semaine avant le jour J pour nous organiser, trouver tout le matériel pour notre séjour (et camping éventuel devant la salle) et tout planifier. J'étais presque prête le vendredi matin, quand je constatai que mon train partait seulement dix minutes plus tard, et que j'allais donc devoir courir pour l'attraper. C'est vraiment à cette seconde que je pris conscience que ça y est, c'était reparti.
Mon copain n'était pas prêt pour sortir, et ne voulait donc pas m'accompagner à la gare et m'aider à porter mes affaires. On se quitta donc sur une engueulade, ce dont j'ai horreur. Je dus ensuite courir jusqu'à la gare, trainant ma valise à roulette derrière moi, ma tente accrochée dessus, un gros sac à dos rempli de nourriture pour trois jours et de mon appareil photo, les deux chaises sur l'épaule droite, mon sac à main sur l'épaule gauche, autant dire que j'étais chargée ! Finalement, j'attrapai mon train de justesse, mais j'étais toute essoufflée et pleine de sueur, déjà déshydratée, tout ce que je voulais éviter.
Pendant le trajet, en échangeant des SMS avec Sophie, on constata qu'on allait se retrouver dans le même train après mon changement à Bourg en Bresse, seulement manque de chance, on était dans des wagons éloignés et il s'agissait en fait de deux trains collés ensemble, donc impossible de passer de l'un à l'autre. On se retrouva donc sur le quai de Genève, avec une légère angoisse puisque Sophie n'avait plus de batterie dans son portable, et que si on ne s'était pas trouvées dans la gare, on aurait été bien embêtées. Mais tout ce passa au mieux, le quai et les passagers autour du nous furent témoins de nos joyeuses retrouvailles. Je constatai qu'elle était aussi chargée que moi, entre sa valise, nos sacs de couchages, nos matelas pour le sol, et ses divers petits sacs.
Pour pouvoir faire le trajet de la gare jusqu'à la salle et notre hôtel, on pensa d'abord prendre le bus, et là, c'était la grosse galère. Il nous fallut nous faire de la monnaie (en Francs Suisse, puisqu'on n'était plus dans la zone Euro). Ensuite, on constata qu'il était plus rapide de prendre le train. On dut donc traverser toute la gare plusieurs fois, avec nos bagages encombrants, pour enfin prendre une ligne directe vers l'aéroport, près duquel était situé l'Arena et l'hôtel Ibis dans lequel on avait notre réservation.
Une fois à l'aéroport, qui allait devenir le point central de toute notre aventure puisqu'il se trouvait pile entre la salle et notre hôtel, on galérait encore un peu en cherchant comment se rendre à l'Ibis, ne sachant pas tout de suite qu'il y avait une navette gratuite.
Le fait de se trouver dans un pays étranger n'était pas facile à gérer, même s'il n'y avait pas la barrière de la langue. J'ai d'ailleurs la nationalité Suisse et ce pays ne m'est pas vraiment étranger, mais je connais mal Genève et la Suisse Française. J'étais déjà allée à l'Arena pour voir Tokio Hotel en 2008, les décors n'étaient donc pas tous nouveaux pour moi. Seulement la première fois, j'étais en gradin et je m'étais organisée complètement différemment.
A notre arrivée à l'hôtel, on était ravies de pouvoir déposer nos affaires et s'installer dans notre chambre. Je crois qu'il est très important et sécurisant d'avoir un point de chute à proximité de la salle, même si ça gonfle considérablement le budget. La chambre était parfaite, comme toujours dans les Ibis, le personnel sympathique et professionnel.
On ne profita pas longtemps de l'hôtel, puisqu'on était toutes les deux très motivées à rejoindre la salle, c'était notre priorité absolue, pour obtenir des numéros et voir comment on allait s'organiser. Comme pour le concert de Nantes, on n'eut pas le temps de vraiment souffler et se détendre, on était déjà dans le stress du concert, dans une attitude de fans et non de touristes.
La salle qui se trouvait à seulement huit cents mètres de l'hôtel à vol d'oiseau, était finalement plus éloignée que prévue parce qu'on devait faire de sacrés détours à pieds par l'aéroport, pour la rejoindre. Lorsqu'on arriva sur place la première fois, c'était juste quelques minutes après qu'ils ne donnent les derniers numéros (ils arrêtaient la liste à deux cent trente personnes). On était très déçues d'avoir manqué de justesse de faire partie des privilégiés numérotés, mais on ne baissait pas les bras pour autant.
Après quelques hésitations, on décidait de quand même dormir sur place et le vivre à fond. Certaines fans commençaient à installer leurs tentes les unes derrières les autres, pour faire une sorte de queue. On demanda aux fans de la dernière tente de nous garder un peu de place derrière elles pour y mettre la nôtre. Elles étaient sympa et c'était agréable de se replonger dans cet univers, de se retrouver avec des personnes qui partagent la même passion que nous. Autant j'avais eu du mal à m'intégrer aux autres fans à Nantes, autant ce soir là sur Genève, je me sentais parfaitement dans mon élément, dans une dynamique similaire à celle des autres personnes sur place. On retrouva d'ailleurs plusieurs visages familiers, de fans déjà croisés à Nantes.
On retourna rapidement à l'hotel pour faire un brin de toilette, manger, s'habiller pour la nuit et préparer nos affaires. C'est toujours une ambiance particulière, cette phase de préparation. Sophie et moi, chacune à s'activer de son coté, à essayer de maîtriser son stress et surtout ne rien oublier, en faisant le plus vite possible.
Une fois parées, on filait à nouveau vers la salle, tout notre matériel de camping sur le dos. On s'installa confortablement dans la tente Quechua que ma collègue de bureau m'avait gentiment prêtée. Avec nos matelas, nos sacs de couchage, les oreillers de l'hotel... on était plutôt à l'aise dans notre petit abri.
On n'eut pas le temps de se reposer bien longtemps que les fans qui organisaient la numérotation nous demandèrent à toutes de sortir de nos tentes pour faire l'appel. Bien que nous n'ayons pas de numéro, on devait quand même se mettre avec les autres pour écouter leurs recommandations et suivre les consignes.
Elles avaient du mal à se faire entendre, et on pouvait voir la fatigue et l'exaspération sur leurs visages pour avoir déjà passé plusieurs nuits (et jours) dehors dans le froid à essayer de faire respecter l'autorité qu'elles s'étaient donnée. Il y avait une impression de désordre, il pleuvait un peu, et faisait nuit depuis longtemps, ajoutant à la nervosité ambiante. Toutefois, c'était mieux organisé qu'à Nantes, bien heureusement car il aurait été difficile de dormir sur une chaise à ce concert là, avec une température qui descendait dans le négatif.
Une fois leur petit discours terminé, on retournait dans notre tente. On installait nos grosses chaussures de randonnées entre les deux parois de celle ci, et tous nos sacs ici et là entre nous et derrière nos têtes sous nos oreillers. On se glissait dans nos sacs de couchage et après maintes efforts pour vraiment s'installer, on se sentait enfin prêtes pour dormir. Seulement à cet instant, on entendit des fans à l'extérieur dire qu'elles faisaient une deuxième liste pour celles qui n'avaient pas encore de numéros et qui passaient quand même la nuit sur place. On sortit donc de notre tente en quatrième vitesse, enfilant nos chaussures et nos vestes à la va-vite, pour courir vers cette fan assise sur un muret qui gribouillait des numéros sur toutes les mains qui se présentaient à elles. On obtient les numéros 22N et 23N (N = nuit, pour nous distinguer de la première liste).
On retourna ensuite à notre tente, satisfaites d'avoir été ainsi marquées, avec l'impression de faire vraiment parties de cette communauté, à présent. On se réinstalla confortablement dans notre petit nid, et se prépara à dormir.
Autant il faisait froid et venteux à l'extérieur, autant à l'intérieur de la tente on avait bien chaud et on se sentait vraiment protégées. Pour la première fois depuis nos retrouvailles - Sophie et moi - on était au calme, posées, on pouvait se reposer et décompresser. Il devait déjà être près de minuit, le temps passant à toute vitesse dans de telles conditions. On commença à papoter tranquillement, à se faire quelques confidences, ce que l'on n'avait pu faire à aucun moment lors de notre voyage à Nantes, puisque la nuit que l'on avait passée devant la salle était bien plus rude comme on était exposées aux éléments (pluie, vent, froid) et que le soir après le concert, on était mortes de fatigue.
Le confort de la tente nous attira toujours un peu plus dans les bras de Morphée, et comme on avait décidé de se lever vers 4h30, on décida qu'il était plus sérieux d'essayer de dormir dès à présent pour être en forme le lendemain.
Les luminaires devant la salle éclairaient fortement la toile verte de notre tente, je disposais donc mon bonnet sur mes yeux pour trouver plus facilement le sommeil. Des fans espagnoles étaient assises à quelques mètres de notre abri, et papotaient activement, comme d'autres, produisant une nuisance sonore continue. Malgré tout, je sombrais assez vite dans un sommeil léger. J'étais bien dans mon sac de couchage, nichée dans une cavité chaude et confortable, presque maternelle. C'était tout ce dont j'avais besoin pour vraiment me reposer.
Au milieu de la nuit, je me réveillai légèrement, perturbée par des fans qui écoutaient l'album Humanoid sur une stéréo de mauvaise qualité. Je les priai mentalement d'arrêter, d'être suffisamment raisonnables pour ne pas nous imposer ça. Mais elles continuaient de le passer en boucle, et je sombrais à nouveau dans le sommeil par intermittence. A chaque fois que je reprenais conscience, j'avais la chanson Geisterfahrer qui me trottait dans la tête alors même qu'une autre chanson était en cours de lecture. Mais cette chanson la me revenait et me berçait. J'en avais enfin compris les paroles seulement quelques jours auparavant et elle m'avait profondément touchée, au point de devenir ma chanson préférée de l'album, devant même Fur Immer Jetzt. La voix de Bill me calmait, me réconfortait et me rendormait.
A 4h30, le portable de Sophie se mit à nous hurler dans les oreilles, et aucune de nous deux ne déniait émerger vraiment d'un sommeil trop agréable. Après un petit quart d'heure, l'adrénaline m'envahissait par vague en réalisant toujours un peu plus où je me trouvais, avec qui, et que c'était le grand jour.
Je proposai à Sophie de me lever, de filer rapidement à l'hôtel pour me préparer et de revenir ensuite pour qu'on plie les affaires ensemble et qu'elle aille à son tour faire une escale dans notre chambre. Elle accepta mon idée, surtout parce qu'elle n'avait qu'une seule envie : dormir encore un peu.
Je retournai à l'aéroport pour le traverser, mais je trouvais la porte qu'on avait l'habitude d'emprunter fermée, et une vingtaine de fans assises devant à attendre qu'elle ouvre. On nous avait informé que l'aéroport fermait de minuit à 4h30, mais ce que l'on ne savait pas, c'est qu'ils n'ouvraient pas toutes les portes en même temps.
J'hésitais à chercher un autre chemin, parce que je ne portais pas mes lentilles de contact et que je ne voyais donc presque rien. Je aurais pu m'égarer et ce n'était pas une bonne perspective, surtout en pleine nuit, dans un pays étranger. J'observais les autres fans, pour voir si quelqu'un trouvait un autre passage. Il y avait une maman avec ses deux petites de six et huit ans. La plus jeune était collée à sa mère sous un duvet épais, et l'autre était à peine couverte d'une veste trop fine, et tremblait de toute part face aux températures bien basses de la nuit. Je trouvais ça particulièrement irresponsable de la part de cette femme de faire dormir ses deux fillettes dehors, surtout que cela impliquait donc qu'elles allaient assister au concert dans la fosse, et vu leurs petites tailles, elles ne verraient rien et seraient complètement écrasées dans les conditions extrêmes que peuvent prendre les premiers rangs à un concert de Tokio Hotel.
Après une dizaine de minutes, je décidai de tenter de longer un chemin qui allait dans la direction de l'hôtel, histoire de peut être trouver un passage. Et bingo, cinq minutes plus tard je trouvais une entrée ouverte pour pénétrer dans l'aéroport, ce que je m'empressais de faire.
J'arrivais à l'hôtel peu de temps après, et me préparai rapidement comme le soir précédent. Manger, s'habiller, se nettoyer, faire son sac et repartir vers la salle.
J'y retrouvai Sophie qui commençait à remballer la tente, et constatai que c'était l'une des dernières qui n'était pas encore pliée. Sophie était stressée et me fit une remarque parce que j'avais mis pas mal de temps avant de revenir. Il y a une chose qui me faisait peur dans mon amitié avec elle avant ce voyage sur Genève : c'est qu'on n'avait jamais été dans le moindre conflit. Et on apprend vraiment à connaître une personne que dans la difficulté et les différends, c'est là que l'on montre notre vrai visage. Lors de ce voyage, il est arrivé plusieurs fois que l'on ne soit pas d'accord, ou que la fatigue et le stress cumulés nous rendent irritables, et j'ai pu constater que l'on fonctionne aussi bien dans ces moments là. La communication ne se brise pas et on trouve des solutions avant même d'avoir vraiment pris conscience du problème.
On remballa nos affaires bien vite. On eut à peine le temps de les poser sur le coté que les fans organisatrices commencèrent l'appel. Il y avait une sorte de grand rectangle, un espace construit et consolidé avec des barrières qui avait été mis en place pour séparer les fans numérotés des autres et leur permettre ainsi une attente au calme et éviter d'être dépassés par des fans opportunistes sans numéro. Bien qu'ayant des numéros de "nuit", nous espérions entrer dans cet espace, mais ce ne fut pas le cas. On dut donc repartir vers l'arrière pour se mélanger avec les fans sans numéro. Mais celles ci s'étaient déjà installées - assises parterre - pendant que l'appel avait lieu et refusaient à présent de bouger pour nous permettre de prendre la place qui nous revenait de droit. Il s'en suivit donc des querelles pour les faire bouger et une grande animosité à leur encontre. Elles faisaient preuve d'une mauvaise foi magistrale, à se moquer ouvertement des fans qui avaient justement dormi là, alors qu'elles étaient arrivées seulement au petit matin.
Il n'y avait pas de personnel de sécurité, pas d'autorité, alors forcément, c'était le bordel. Certaines fans essayaient d'organiser un peu la file, de faire passer les personnes numérotés de la seconde liste dont on faisait parties, devant celles sans numéro, nous faisant ainsi lever, puis rassoir, plusieurs fois. C'était agaçant et stressant. Et Sophie et moi observions nos affaires restées un peu plus loin contre un mur du bâtiment, espérant que personne ne nous les prenne.
J'appelai et envoyai plusieurs fois des messages à Ibuprophène et Blackchery parce qu'elles étaient sensées arriver à cinq heures du matin et on avait prévu d'attendre ensemble, mais je n'avais reçu aucune nouvelle de leur part depuis mon départ. J'avais dans l'idée qu'elles nous aident à ramener nos affaires à l'hôtel, puisqu'elles devaient avoir des places réservées en gradins et n'avaient donc pas besoin d'être bien placées dans la queue. Mais elles ne m'ont finalement recontactée qu'en milieu d'après midi par SMS, juste pour me dire qu'elles étaient arrivées, ce à quoi je répondis en leur donnant ma position exacte pour qu'elles puissent m'y retrouver. Elles ne sont jamais venues.
On finit par s'asseoir sur nos chaises, et à papoter avec les fans autour de nous, dont une maman, sa fille et ses copines, avec qui on fraternisa. Les fans sans numéro qui s'étaient assises devant nous disaient des choses désagréables à mon encontre parce que j'étais assise sur une chaise, et qu'elles étaient jalouses parce qu'elles étaient debout dans un certain inconfort. Il y avait une drôle d'ambiance, conflictuelle et hostile.
Après un certain temps de latence, je remarquai que des fans avec des numéros de nuit (comme nous) arrivaient à s'installer dans l'espace réservé à celles avec de vrais numéros. On décida donc de tenter notre chance, et avec un peu de culot, on arriva à s'installer nous aussi dans cet espace. On récupéra nos affaires que l'on avait abandonnées contre le mur, pour les rapatrier avec nous dans cette zone qui semblait plus stable et sécurisée que le reste de la queue pour les sans numéro. Sophie en profita pour retourner à l'hôtel pour la première (et seule) fois ce matin là, rapportant nos affaires du même coup.
Là, je dois dire que je me sentais soulagée. J'avais mon espace vital, j'étais tout près de l'entrée dans la salle, et je connaissais quelques fans autour de moi, dont une que j'avais rencontrée à Nantes et avec qui on avait déjà sympathisé. L'ambiance était bien meilleure, et l'attente proprement dite pouvait commencer.
Je dois dire que cette attente sembla interminable, surtout en comparaison avec Nantes. Marmotte, Alia et Adeline n'étaient pas là cette fois-ci pour papoter, et même si on pouvait discuter avec d'autres personnes, ce n'était pas la même chose. Puis Sophie qui m'avait fait une remarque pour le temps que j'avais passé à l'hôtel au petit matin, mit encore plus de temps que moi lors de son escale, et du coup, elle comprit que ce n'était pas volontaire de ma part d'avoir mis si longtemps, mais que le temps file vraiment très vite.
En milieu de journée, j'avais de plus en plus froid, certainement parce que je ne bougeais pas du tout. Je m'enroulai dans ma couverture de survie, et me maudis de ne pas avoir pris mon bonnet avec moi. Les heures passaient une à une, tout doucement. Je ne tenais que grâce à la perspective d'être dans les tous premiers rangs une fois dans la salle, de pouvoir enfin voir le groupe sur scène de très près.
A 16h00, le personnel de sécurité eut la mauvaise idée de retirer les barrières qui séparaient notre espace de fans numérotés de celui des autres fans. Les organisatrices de la numérotation leur avaient dit de ne pas faire ça, que ça serait une catastrophe, mais ils ne les ont pas écoutées. On se leva donc, prêtes à être un peu écrasées. Lorsque je regardai derrière moi, pour les voir enlever les barrières, je vis les fans pousser tellement fort que le personnel du courir en arrière et faire attention à ne pas se faire prendre en sandwich entre les barrières qu'ils tenaient et celles derrière eux. Ils étaient totalement affolés et dépassés par les événements.
Les fans derrières nous se ruèrent contre nous, nous compressant contre les barrières à l'avant, celles des entrées vers la salle. J'étais à demie choquée d'être ainsi écrasée, et contente de constater qu'on était dans les trente premières fans sur notre queue, et il n'y avait que trois queues, il était donc possible que l'on finisse au premier ou deuxième rang ! C'était mon plus grand rêve qui allait se réaliser. Sophie n'était pas loin de moi, et on décida de se tenir la main pour ne pas se perdre dans la foule. On était vraiment compressées, au point qu'il était impossible de bouger ne serait-ce qu'un bras pour se couvrir de la pluie. Respirer était déjà un challenge, nos cages thoraciques ne pouvant plus se gonfler d'oxygène. Certaines fans s'évanouissaient, d'autres pleuraient abondamment. De temps en temps, ça poussait derrière, par vague, et on était encore plus écrasées. Certaines fans hurlaient de douleur. Une jeune fille à ma gauche pleurait et disait - à tout le monde et personne en même temps - qu'elle voulait s'en aller, qu'elle n'irait plus jamais à un concert de Tokio Hotel, qu'elle regrettait d'être venue. Je lui répondis qu'elle changerait surement d'avis une fois à l'intérieur, face au groupe sur scène, mais elle m'affirmait que non. Pour ma part, peu m'importait que je sois écrasée pendant deux heures dehors, puis deux heures dedans, tant que je serais bien placée et que je vivrais un moment magique ensuite. Pour moi, tous ces malheurs sont oubliés une fois que Tom est face à moi.
Les deux heures à attendre à l'extérieur passèrent très doucement. Je voyais l'heure affichée sur un écran et je regardais les minutes qui défilaient. Je tenais la main de Sophie dans la mienne, au risque d'avoir les doigts encore plus écrasés, mais on était trop éloignées pour pouvoir se parler correctement. J'étais tellement proche de la fan devant moi que je mangeais ses cheveux à chaque fois qu'elle bougeait la tête, et celle sur ma droite m'envoyait le pompon de son bonnet en plein visage quand elle se tournait un peu. J'essayai de ne pas bouger du tout. J'avais dans mon dos et un peu plus loin sur ma droite deux des trois fans qui étaient aussi avec nous à Nantes, dans la queue avant d'entrer dans la salle, et qui avaient discuté si activement avec Sophie de twincest, nous divertissant Marmotte et moi, au passage. C'était vraiment surprenant de se retrouver par hasard - parmi des milliers de fans - avec les mêmes personnes comme ça. Mais cette fois ci, on ne discuta pas beaucoup, étant donné les conditions difficilement supportables. Il se mit d'ailleurs à pleuvoir, et j'avais toujours ma couverture de survie autour de moi (pour ne pas avoir eu le temps de la retirer dans l'affolation), si j'aurais pu la monter sur moi, j'aurais été à l'abri, mais impossible de bouger un seul bras, donc je supportais docilement les gouttes qui me tombaient dessus une à une. J'avais toujours mon sac à dos de nourriture dans la main, mais je dus accepter l'idée de l'abandonner sur place, ne supportant plus de me faire écraser les doigts pour le tenir. Après un mouvement de foule, j'avais le poignet complètement tordu, et ça poussait tellement fort derrière moi sur mon articulation, que je me dis pendant une seconde qu'il risquait de casser. Ma poitrine me faisait mal aussi. Autant ma cage thoracique protégeait mes organes vitaux, ma poitrine, elle, n'était pas protégée, et j'avais peur d'avoir des hématomes le lendemain. Je ressentais aussi une pression énorme contre l'os de mon pubis, et Sophie me fit une remarque à ce sujet, parce qu'elle aussi se sentait écrasée à cet endroit là, et on se dit que pour les mecs - qui ont autre chose qu'un os à cet endroit -, ça doit faire vraiment mal, limite ils devraient mettre une coquille pour aller à un concert de TH.
Après une longue attente, ils se préparèrent à ouvrir les files. Ca poussait encore plus derrière nous à cette perpective, et on était épuisées d'avoir du lutter pour respirer et rester sur nos pieds pendant si longtemps. Finalement, les entrées furent ouvertes, mais il y eut un problème sur la nôtre. La barrière ne s'ouvrit pas, contrairement à celles des deux autres queues qui laissaient déjà entrer les gens. Cela provoqua une grande agitation derrière nous, nous compressant encore plus et créant la panique dans la foule. Le personnel de sécurité nous demandait de nous calmer, de ne pas pousser, voir de reculer, ce qui était tout bonnement impossible. En regardant vers les entrées, on voyait les autres fans courir dans la salle, et nous, on était coincées. Des fans arrivés longtemps après nous entraient, et pas nous. Et on ne pouvait rien faire. On vit des fans sur notre gauche réussir à entrer par un passage qu'ils venaient juste de mettre en place puisque notre queue était bloquée, mais nous, on était trop loin pour y aller et trop écrasées pour pouvoir faire quoi que ce soit.
Il est difficile d'expliquer ce que je ressentis à cette seconde. Je réalisai avec horreur que j'avais loupé la chance de ma vie. C'était une occasion en or, et c'était foutu à présent, pour un tout petit détail à la con : parce qu'ils n'avaient pas tout de suite réussi à ouvrir la queue. On ne pouvait rien faire, seulement devenir de plus en plus enragées à chaque seconde. Je me souviens du mec responsable de l'ouverture de notre file, qui dit à une des fans à coté de moi de se calmer, et il lui parlait tout doucement, alors que pour nous, chaque seconde comptait. Chaque seconde de perdue était dramatique parce que ça nous menait toujours un peu plus loin de la scène, de notre rêve, de Bill, de Tom, de Georg et de Gustav.
Ils décidèrent finalement de nous laisser passer par-dessus la barrière, puisqu'ils ne pouvaient pas l'ouvrir. On dut donc grimper les barrières par nous même, et les mecs de l'autre coté nous attrapaient, c'était vraiment du n'importe quoi ! Dès que je réussis à passer, je courus vers les entrées où Sophie m'attendait et on fila ensemble jusqu'à la fosse, coté Tom. Elle était bondée, évidement ! On arriva derrière les fans, mais j'étais tellement dégoutée que je fis quelque chose que je n'avais encore jamais osé faire avant. Je scandais des "Pardon" et des "Excusez-moi" comme si j'allais rejoindre quelqu'un à l'avant, et je dépassai tout le monde - Sophie juste derrière moi - pour gagner des places. On se rapprocha donc au maximum de la scène, certaines fans nous faisant des remarques parce qu'évidement, c'est tout sauf correct ce que l'on faisait, mais dans une telle situation, c'était parfaitement justifié.
Une fois arrivée, on envisagea de se déshabiller comme prévu, et là, c'était la grosse galère, parce qu'on était déjà de nouveau écrasées dans la foule, ce qui rendait chaque mouvement difficile. Seulement il était hors de question que je passe tout le concert avec ma veste d'hiver sur le dos, un pull et une écharpe, je n'allais pas tenir une demie heure dans de telles conditions, et j'étais déjà fortement déshydratée. J'étais tellement "hyper" à cet instant, que je ne fis plus de politesse et retirai mes vêtements coûte que coûte, en bousculant malgré moi les fans autour. Je m'excusais mais ne m'arrêtais pas. Au passage, je perdis mon écharpe parce que je ne l'avais pas nouée suffisamment bien autour de mon sac à main, mais tant pis. J'arrivai à retirer mes vêtements, Sophie aussi. Elle avait un peu d'eau sur elle et me permit de boire une gorgée, ce qui me redonna des forces pour la suite.
On discuta avec des fans autour de nous qui nous informèrent qu'elles étaient arrivées à dix heures le matin même. On était donc encore plus dégoutées, parce que nous, on avait dormi devant la salle, et tout ça pour rien par rapport à notre place actuelle. Sur ma droite, je reconnus d'autres fans qui avaient dormi ici comme nous, et qui étaient encore plus loin que nous. J'avais la haine, Sophie aussi. On était tellement déçues.
J'en voulais énormément au mec de la sécurité qui avait merdé l'ouverture de notre queue. Il nous a fait rater la chance de notre vie, et il ne le sait surement même pas ! C'est là que j'eus l'idée d'écrire une lettre de réclamation à la salle, parce que je ne pouvais pas accepter que notre préjudice ne soit même pas reconnu. J'avais tellement de choses à dire. Alors même que j'attendais dans la fosse, je rédigeais déjà la lettre dans ma tête.
En même temps, pleins d'autres idées me traversèrent l'esprit. Je me souviens même avoir dit à Sophie que je devrais prendre toute cette mésaventure comme un signe pour arrêter d'être fan de Tokio Hotel, tout arrêter. C'est ce que j'envisageai à cette seconde. En même temps, elle me rappela ce que l'on avait déjà constaté au concert de Nantes : que l'on passe par pleins de phases lors de ce genre d'expérience : des phases de doutes, de remises en question, de raz-le-bol, mais aussi des phases de bonheur total, d'euphorie, d'osmose entre nous et le groupe.
Malgré notre déception, on se dit qu'il ne fallait pas que l'on se gâche le show avec des pensées négatives. On était quand même à un concert de TH, coté Tom, et pas si loin de la scène en fin de compte, donc c'était déjà une chance incroyable quoi qu'il en soit.
La première partie commença vers 19h00. C'était de nouveau des DJ, mais ils étaient notablement moins mauvais que ceux de Nantes, alors ça allait. Et le concert commença presque dans les temps, Dieu merci, parce que j'aurais eu du mal à attendre une heure ou deux de plus.
Tom apparut sur scène, suivi de Bill. Et c'était parti.
Comme toujours, c'était énorme, de la pure adrénaline qui se répand dans chaque cellule de votre corps. Vous ne sentez plus rien, vous ne pensez plus rien, vous n'êtes qu'ici et maintenant. A la fin de la première chanson, j'avais l'impression qu'il n'y avait que les jumeaux sur scène, je n'avais pas du tout remarqué Gus et Ge, mais à peine eus-je levé les yeux que je voyais des baguettes s'agiter, et je jetai un oeil sur l'écran de gauche pour voir notre bassiste préféré. Ils étaient tous là, et pour un bon bout de temps, c'est ce qui est génial avec un vrai concert.
La foule bougeait pas mal, comme toujours, et au fur et à mesure, on avançait vers la scène, vers Tom. Je restais à proximité de Sophie, la première partie du concert contre son dos, et le reste un peu plus sur la gauche. J'avais l'impression de mieux voir à cet endroit là, et après le concert je compris pourquoi : il y avait une partie vers le centre de la salle qui était plus élevée à l'avant, et dès que je n'étais plus derrière cette partie, je voyais normalement, donc assez bien puisque je suis grande de taille.
Les chansons se succédèrent, j'appréciais chaque seconde. Je chantais beaucoup plus qu'à Nantes, parce que j'avais pris soin au cours des deux dernières semaines de lire les paroles et traductions des textes en allemand, ce qui me fut très utile et ajoutait une autre dimension à ce spectacle pour moi, en étant plus en phase avec le groupe. Mais surtout, je pouvais exercer mon activité préférée : observer les mains de Tom qui glissent, accrochent, appuient sur les cordes de son instrument, ses petites veines bien visibles sur ses bras. A chaque fois qu'il levait la tête, je voyais sa pomme d'Adam bien saillante, et sa sueur qui perlait. Il chantait avec son frère, la bouche grande ouverte. Il vibrait avec nous, il se mettait en transe, il faisait le spectacle comme la bête de scène qu'il est devenu de par ses expériences sur les tournées passées. Il était juste magnifique.
Bill était aussi au top ce soir là. Il venait tout le temps de notre coté, il se trémoussait et faisait des mimiques comme à son habitude. Je le trouvais très "sex" dans sa combinaison toute en latex noir. J'observais sa fermeture éclaire dans son dos, et l'embout tout en haut qui dépassait. J'imaginais tirer sur celui ci vers le bas pour l'ouvrir. Son vêtement est si moulant qu'il ne peut qu'attiser la curiosité de ce qu'il y a en dessous. Je dois dire que ces jumeaux là, ce sont vraiment les deux qui font la paire, on ne le dira jamais assez.
Le concert passait vite, et j'essayais d'enregistrer le maximum dans mes souvenirs. Lors de la chanson Geisterfahrer, je me calmais un peu pour vraiment l'apprécier à sa juste valeur, et vivre ce moment magique comme il se doit. Sur Shadow, je pensais fort à Alia. Je crois que je penserais toujours à elle à présent, en écoutant cette chanson. A chaque fois que Tom avait l'air particulièrement hot, j'avais une pensée pour Nelly, qui aurait bien bavé avec moi à cette seconde.
Le concert se termina, me laissant avec un sentiment de satisfaction et dans un état d'euphorie envers et contre tout. Les lumière se rallumèrent, et je retrouvai Sophie non loin de moi. On sortit de la salle et on trouva Indokiss avec d'autres fans. Je crois que la première chose que je dis à Sophie c'était : "il faut que l'on s'en fasse un autre". Et c'était tout aussi évident pour elle que pour moi, qu'on devait se faire une date de plus en fosse, c'était vital, au moins pour nous d'y croire sur le moment. Ce concert était génial, mais la frustration de ne pas avoir eut la place que l'on méritait allait nous laisser un arrière gout négatif, et seule une date de plus dans de meilleures conditions pouvait effacer ça.
On retrouva aussi la fan dont je parlais plus haut, que l'on avait rencontrée à Nantes. Elle avait perdu ses amies et n'avait plus de batterie dans son téléphone, je lui prêtais donc le mien pour qu'elle les appelle. Mais elle n'arriva pas à les joindre, se retrouvant ainsi sans toit pour passer la nuit. Pendant qu'elle était un peu à l'écart, Sophie et moi nous mîmes d'accord pour la laisser dormir dans notre chambre d'hôtel, parce qu'il faisait très froid dehors et qu'on n'allait quand même pas la laisser dormir sur un banc alors qu'on avait de la place dans notre chambre. On lui fit donc cette proposition qu'elle accepta volontiers et on retourna ensemble à l'Ibis.
Pendant le trajet, je remarquai que j'avais un problème à l'oreille, pas un simple bourdonnement à cause des basses lors du concert, non, c'était autre chose. Un problème récurent qui m'arrive de temps en temps en période de stress intense, et qui est très pénible. Non seulement je n'entends plus ce qui m'entoure, mais j'entends très fortement ma propre respiration, et quand je parle, ça résonne en moi, me donnant l'impression d'être enfermée en moi-même. De plus, ça me cause des problèmes d'équilibre. C'était donc pénible et ça ajoutait à mon état de nostalgie et de déprime qui commençait à m'envahir pour la première fois depuis le début de cette aventure.
Une fois dans la chambre, j'envoyai un message à Nelly, parce que j'avais besoin de m'exprimer et que j'avais du mal à le faire à voix haute dans l'environnement qui m'entourait. La fan que l'on avait invité s'installa rapidement sur le lit, prenant ses aises. Je laissai Sophie prendre sa douche en première, et moi je sillonnais la chambre de gauche à droite, incapable de me poser, de retrouver mes repères. Je ne mangeai même pas ce soir là, mais je bus probablement des litres, tellement j'avais souffert de la soif pendant l'attente et le show.
La fan retira ses chaussures et s'allongea sur le lit. Je sentis immédiatement une odeur très désagréable qui venait de ses pieds, ce qui était plutôt prévisible comme ils étaient restés enfermés dans ses chaussures plusieurs jours d'affilés sans qu'elle ne puisse prendre de douche. Je n'eus pas le temps de dire "ouf" qu'elle s'installa dans le lit, de mon coté, comme ça, sans même avoir pris de douche, avec tous ses vêtements crâdes sur elle. Je dois avouer que je suis une personne plutôt maniaque et propre sur moi, et la perspective de dormir contre cette fille dans son état actuel me dégoutait suffisamment pour que malgré mon état de fatigue, j'envisage de ne pas dormir dans ce lit. J'étais quand même très gênée par son comportement, mais je n'osais rien dire, pour ne pas être impolie. A cette seconde, Sophie sortit de la douche, et je pris sa place sous le jet d'eau chaude, si agréable. Après ma douche, je revins dans la chambre toute propre et toute fraiche, me demandant comment j'allais bien pouvoir dormir avec cette fille, et Sophie qui comprit tout de suite mon inconfort, pour me connaitre suffisamment bien à présent, proposa de dormir au milieu du lit, me laissant ainsi son coté. Je sautais sur l'occasion, évidement. Je lui en étais très reconnaissante, parce que j'avais vraiment besoin de me reposer, pour de vrai, et dans de bonnes conditions.
On se mit donc au lit. On éteignit la lumière et on papota un peu toutes les trois. Puis la fan lâcha la conversation pour s'endormir, et Sophie et moi qui trouvions encore un peu de force en nous nous mirent à discuter activement du concert et de tout ça. C'était super agréable, d'être dans un vrai lit, d'être bien, au chaud, d'avoir vécu tout ça ensemble. Malgré les difficultés, un concert de TH c'est et ça reste une expérience extraordinaire. On piqua aussi quelques fous rires, alors que la discussion dérapait agréablement vers quelques confessions, comme ma mauvaise habitude quand je vois Tom sur scène de le visualiser vêtu uniquement de sa guitare (vision qui me liquéfie sur place...). Ca faisait un bien fou de partager un moment comme ça, c'était finalement ce qu'on avait attendu pendant tout notre voyage à Nantes sans avoir l'occasion de le concrétiser. Sophie me fit remarquer le lendemain que c'est probablement la présence de l'autre fan qui nous rapprocha, nous faisant prendre conscience d'à quel point Sophie et moi sommes pareilles dans notre façon de vivre ce concert et d'aimer ce groupe, par rapport à l'autre fan qui vibre sur des ondes différentes.
On se leva de bonne heure le lendemain pour raccompagner cette fan à la salle, où ses amis l'attendaient pour qu'ils repartent ensemble. On se dit au revoir. Puis Sophie et moi passâmes par le magasin Migros (une grande enseigne de supermarchés Suisse) de l'aéroport, pour acheter quelques bricoles à manger pour le retour. Finalement, les étalages de chocolat et de viennoiseries eurent raison de nous. La règle qui dit de ne jamais faire ses courses le ventre vide, sous peine d'acheter tout le magasin, se vérifia une fois encore. On avait envie de tout acheter, surtout qu'il s'agissait de produits qu'on ne connaissait pas, et qui avaient l'air délicieux. On s'exclafait devant chaque rayon, contrastant avec les autres clients qui faisaient leurs courses dans un ennui habituel. C'était super agréable d'avoir un peu de temps, comme ça.
On retourna ensuite à l'hôtel, pour plier bagages et prendre un petit déjeuné rapide. Et ça y est, on était parties.
On devait à nouveau prendre le même train toutes les deux jusqu'à Bourg en Bresse, et une fois encore on avait réservé nos places dans des voitures différentes. Mais il y eut un problème avec les wagons, et on fut donc autorisées à se mettre où l'on souhaitait. On s'installa donc face à face dans un emplacement pour quatre personne bien que l'on ne soit que deux, et on commençait à débriefer un peu sur notre voyage, et à parler aussi de choses plus personnelles.
Lorsque le contrôleur passa dans la rame, je l'arrêtai pour lui signaler que l'on n'était pas à nos places puisqu'il y avait eu un problème dans les wagons, et elle nous confirma que l'on pouvait rester ici, c'était juste parfait. Un homme - assit sur les sièges en face de nous - nous adressa la parole, d'abord pour nous poser des questions concernant les places et finalement admettre qu'il avait écouté notre conversation tout du long, parce qu'il était là et qu'il ne pouvait pas faire autrement, et qu'on avait attisé sa curiosité. Il nous demanda ce qu'on était allées faire ensemble à Genève, il pensait qu'on avait passé un stage, mais on le corrigea en lui parlant du concert, de Tokio Hotel... etc. Il était très intéressé, travaillant aussi dans le domaine du spectacle. Il s'était toujours posé certaines questions, et on put lui répondre de par notre expérience encore toute fraiche. On lui expliqua ce que c'était d'être fan, pourquoi on allait aussi loin que de passer la nuit dehors pour eux et faire des centaines de kilomètres, traverser des frontières... On parla aussi de sujets plus profonds, et c'était vraiment une conversation riche et intéressant. Puis je trouvais cela amusant que Sophie et moi parlions l'une après l'autre, l'une commençant une phrase et l'autre la terminant, on était très fusionnelles et unies, sans pour autant perdre nos personnalités respectives. C'était vraiment un plaisir de parler de nous comme ça, avec une personne neutre mais ouverte d'esprit, cultivée.
Un peu trop brutalement, on arriva à Bourg en Bresse. Je dus descendre du train et y laisser Sophie et notre interlocuteur, Yves. Sophie m'accompagna jusque sur le quai, on échangea encore quelques mots, le coeur lourd de cette séparation, mais rempli de toutes ces émotions partagées, d'un vécu commun intense et intarissable.
Je repartis vers Strasbourg, vers ma vie, vers mon quotidien, loin de mes rêves, loin de l'aventure, loin de toutes ces rencontres et de cette belle amitié qui put enfin grandir et se concrétiser entre Sophie et moi.
Si je pensais que mon retour serait plus facile cette fois ci, j'avais tout faux. Les jours qui suivirent, j'écris cette fameuse lettre de réclamation au directeur de l'Arena, et une heure après la lui avoir envoyée, il m'appela sur mon portable. Il s'en suit une longue explication entre lui et moi, où il me décrit l'envers du décor, tous les efforts qu'il avait fourni de son coté pour maintenir ce concert qui aurait du être annulé de part son énorme déficit financier. Et à travers chacun de ses mots, je ressentais que c'était la fin de Tokio Hotel, que c'était une évidence pour lui qu'il n'y aurait pas d'autre tournée. J'ai pris conscience en discutant avec lui, que c'était probablement la fin du groupe, que je n'aurais pas d'autre chance de les voir sur scène en fosse, que je ne pourrais pas réitérer ces expériences, et qu'à terme, j'allais devoir vivre sans eux. Je me sentais vide, comme si on m'avait arraché une partie de moi-même, et que je n'avais plus de raison d'être. Finalement, j'ai accepté cette éventualité que le groupe puisse disparaitre (des médias) au cours des prochaines semaines, même si je prie le ciel pour que ça n'arrive pas. Je survivrai, et je reconstruirai ma vie autour d'autre chose, sans perdre les amitiés que j'ai pu développer grâce à eux.
Je vais terminer cette review par un grand, grand merci à Sophie. Merci d'avoir partagé tous ces moments avec moi, merci d'être juste toi-même quoi qu'il arrive, merci de m'avoir rappelé ce que ça fait de se sentir bien - sur la même longueur d'onde - avec quelqu'un (même si la séparation fait si mal ensuite), merci de faire l'effort de me comprendre et de me soutenir quand ça ne va pas, merci de m'accepter et de me laisser être et évoluer. Merci Sophie.