Je ne pensais pas, mais au final me revoici avec une fiction...
J'ai relu certaines de mes fictions il y a quelques semaines (time flies *tousse*) et je suis retombée sur un OS dont j'aimais beaucoup l'idée mais que je trouvais inachevé. Ma façon d'écrire me laissait sur ma fin.
Sur le coup je me suis dit "boh, à réécrire un de ces jours". Et deux jours plus tard, je me retrouvais incapable de dormir, à 3/4h du matin, à écrire
Au final, mon cerveau tordu y a imaginé une suite, donc ce sera probablement une fiction en trois chapitres. On verra bien.
Ce sera aussi ma dernière fiction sur les garçons... Je suis toujours le groupe avec énormément de ferveur, mais je ne pense plus écrire sur eux. J'avais juste envie de le faire une dernière fois.
Je pense avoir tout dit. Je ne sais pas si beaucoup de monde lit encore les fictions d'ici étant donné que le forum est très calme - mais si vous me lisez, alors enjoy !
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Et d'un coup, tout s'évanouissait.
Toute l'obscurité en lui, toute l'encre dans son âme, s'enfuyait, vaincue par l'instrument qu'il caressait comme une amante.
Et enfin, tout s'apaisait.
Lorsque Tom jouait du piano, il était vivant à nouveau.
Tout était blanc, doux, et chaud. Il ne pouvait ni voir, ni toucher, ni sentir ; pourtant il le savait.
Il n'était pas effrayé - il ne souffrait pas, plus. Enfin.
Il était juste délicieusement amorphe. C'était comme dormir, comme s'abandonner au sommeil, tout en étant étrangement
conscient.
Et c'était la meilleure chose qu'il ait jamais vécue.
Tom avait toujours tenu bon.
Des deux jumeaux, c'était lui le roc. C'était lui le plus fort, celui que se tenait face au vent, tandis que Bill s'agrippait à son dos. C'était lui qui restait debout, qui affrontait le monde entier, malgré la douleur, malgré la tristesse, malgré
tout. C'était ainsi, ancré dans ses tripes, c'était quelque chose qu'il ne regretterait jamais.
Car au-delà du fait que
c'était lui, c'est tout - l'enfer tout entier n'aurait jamais égalé la vision de Bill souffrant.
Alors Tom prenait tout, tout ce qui le blessait, tout ce qui aurait dû blesser Bill.
Puis lorsqu'il jouait du piano, il ouvrait ses mains - et laissait tout s'envoler.
C'était comme être dans une bulle. Une bulle réconfortante et apaisante.
Bill n'avait pas la capacité de le sentir, pas même de le penser ; pourtant, il savait.
Parfois, des sons venaient à lui. Il était incapable de les reconnaître.
Mais ils n'avaient rien de mauvais.
Il le sentait.
À l'époque, il avait remué ciel et terre, cherché les coupables, vérifié la sécurité, interrogé à peu près tout ceux qu'il avait trouvés - mais ça n'avait rien changé. Il avait blâmé beaucoup de monde, fait renvoyer des gens, embauché d'autres, mais ce qui était fait était fait. Et nul n'avait le pouvoir de revenir en arrière.
Ça avait été si stupide. Les agents de sécurité n'étaient pas ceux qu'ils avaient habituellement, ils n'étaient pas aussi formés que les personnes qu'ils avaient avec eux au quotidien. Ils sortaient tout juste du berceau, ils venaient à peine de finir leur formation. Mais voilà, l'agence de sécurité avait besoin de les mettre au travail, leur avait demandé d'agir comme s'ils étaient plus expérimentés, que tout se passerait bien, après tout, il suffisait de fouiller des spectateurs avant leur entrée pour un concert, que des jeunes filles en plus, rien qu'ils ne pouvaient maîtriser.
Un peu de négligence, et juste, la faute à pas de chance...
Un son.
Ce son revenait régulièrement, il le savait. Il le reconnaissait.
Il fallait qu'il sache ce que c'était.
C'était vital.
Pourquoi ?
Aucune idée.
Aucune importance.
L'image était restée gravée en lui.
Pas vraiment celle de l'agresseur, en fait. C'était juste une jeune femme parmi tant d'autres, à laquelle il avait fait un sourire poli, mi-sincère, mi-commercial. Il était fatigué, ce jour-là. Il avait un mauvais pressentiment, il ne savait pas pourquoi... Alors il surveillait Bill, ne le lâchant pas d'une semelle. Ça le rassurait. Ça l'apaisait.
Et il n'avait rien vu venir. Une minute plus tôt, c'était une jolie brune, assise au second rang du meet and greet, dévorant son frère des yeux. Rien de suspect, rien de différent des fans qu'il rencontrait d'habitude. Peut-être que c'était le jour où son frère rencontrerait enfin sa fameuse perle rare, qui sait ? Peut-être pas, visiblement. Il les balayait du regard, l'air absent. Aucune d'elles n'avait éveillé sa curiosité.
Est-ce que ça avait été ça, la raison ? Est-ce que c'était parce que son frère ne lui avait pas accordé d'attention, est-ce que c'était une sorte de punition, comme aux femmes agressées auxquels on dit "oh, mais vous auriez pu vous forcer un peu, lui donner une chance, ça n'allait pas vous tuer" ?
Car ça avait tué son frère.
Quasiment.
Mais qu'est-ce que c'était ?
Il connaissait ce son, il le savait, il le connaissait.
Il l'avait oublié...
Pourquoi est-ce qu'il l'avait oublié ?
Le pire, ça n'avait pas été elle, au final.
Il s'était interposé, avait pris pour son frère - puis elle avait été maîtrisée.
Tout s'était enchainé tellement vite, l'hôpital, passer devant tout le monde, être examiné. Le soulagement de savoir qu'il n'y avait rien de grave, qu'il ne suffisait que de quelques points de suture, que c'était bientôt fini.
Puis on l'avait laissé voir son frère.
Et il avait compris, que c'était loin d'être fini.
Du piano !
Du piano.
C'était du piano. Ce son, c'était du piano, quelqu'un jouait du piano, tout près de lui.
Comment est-ce qu'il avait pu oublier ?
Et surtout... Pourquoi est-ce qu'il avait oublié ?
Les souvenirs répondirent à sa question, déferlant dans son esprit avec la violence d'une balle dans son crâne.
Tom avait traîné Bill chez tous les médecins, tous les psychiatres, tous les médiums, tous les spécialistes qu'il avait pu trouver.
Le diagnostic avait été le même à chaque fois ; Bill était simplement en état de choc.
Il était submergé par la peur, par le traumatisme, il s'était retranché loin, très loin en lui-même, si loin que personne ne pouvait l'atteindre. Il était conscient, il mangeait, marchait, bougeait ; mais paradoxalement, il n'était juste plus là.
Tom avait envoyé bouler les propositions de médicaments, de thérapies, d'électrochocs. Il prendrait soin de Bill, lui-même, comme il l'avait toujours fait.
Il s'était retranché à LA, avait envoyé bouler son manager, sa maison de disques, avait éteint son téléphone, mis au repos son ordinateur. Les médias s'étaient excités, puis face à son silence impassible, avaient fini par céder. Et les avait laissés tranquilles.
Il donnait de ses nouvelles à sa mère, à Georg et Gustav, qu'il considérait comme ses frères. Ils comprenaient. Ils souffraient eux aussi - mais ils respectaient son silence, son besoin de s'isoler, d'être juste avec Bill.
Il avait continué à vivre de façon normale. Il se levait le matin, prenait soin des chiens, parlait à Bill, jouait du piano, de la guitare, faisait à manger pour Bill, le regardait manger, ne pensait à manger que lorsque c'était froid, priait, espérait.
Attendant patiemment que Bill revienne.
D'un coup, il comprit. Pourquoi il avait voulu oublier.
Les souvenirs le harcelaient, le griffant comme un million de corbeaux affamés, le poignardant comme -
Poignardant.
p*tain, c'était ça.
Un regard parmi d'autre, une jolie brune, des cheveux longs, lisses. Des yeux doux.
Des yeux fous, et un couteau dans la main.
Tom, Tom qui s'interpose, Tom, du sang, Tom, Tom p*tain !
L'ambulance, l'hôpital, l'odeur du sang qui s'enroule autour d'eux comme la fumée d'une cigarette,
Tomi ne meurs pas, ne meurs pas, je t'en prie ne meurs pas, reste avec moi, ne me laisse pas.Il n'était pas en sécurité. Il ne l'avait jamais été.
Il n'était pas immortel... Et surtout, Tom ne l'était pas.
Tom lâcha l'instrument, sentant l'inspiration le quitter peu à peu.
Puis sentit la silhouette à côté de lui sursauter à l'arrêt de la mélodie.
Il se retourna lentement, s'attendant à voir l'habituel visage absent de Bill. Ses yeux emplis de terreur lui firent l'effet d'un second coup de poignard.
Tom.
Son monde qui s'écroule.
Tom.
La mort, le couteau, les yeux fous.
Tom.
Le sang, le sang, le sang...
Tom qui titube, dans une autre situation, ça aurait été comique, comme s'il avait été bourré, le sang, le sang, les yeux de Tom qui se perdent dans le vague, ses mains à lui sur le torse de Tom, essayant désespérément de faire barrage...
Il sent des mains sur lui, il sent plus qu'il n'entend l'hystérie autour de lui. Mais ça n'a pas d'importance. Plus. Ça n'a jamais eu d'importance. Tom, Tomi est juste devant, il va mourir.
Les yeux de Tom qui se focalisent sur lui, qui s'accrochent à lui avec désespoir.
Tu peux tenir, tout ira bien, ne lâche rien, je t'en prie ! Tomi...Mais le sang, le sang, le sang...
- Bill ?
Il devait faire quelque chose... Mais quoi ?
Il leva le bras pour effleurer son visage, lentement, comme pour ne pas effrayer un animal sauvage.
Un son étranglé sortit de la bouche de Bill à son contact.
- Tom...
Poussé par une folle impulsion, il attrapa à deux mains les épaules de Bill, le mettant face à lui, ses yeux rivés dans les siens.
Tom était là.
Tom le grand frère était là, il n'était jamais parti.
Tom.
La mort.
Non, non, non...
Il voit déjà le cimetière, la tombe, l'enterrement.
Tout se mêle devant ses yeux, l'ambulance, l’hôpital, c'est blanc. Non. Rouge.
Il ne sait plus.
On lui a arraché Tom. Quand ?
Il ne sait plus...
Où est-il, où est Tom, où est... Où est...
Où est quoi ?
Tom...
Tom.
Tom face à lui.
Tom qui le secoue.
Tom qui crie presque.
Je suis là. Bill, je suis là, je suis là.Tomi ?
Reviens, Bill, reviens.Et soudain tout s'éclaire.
- Tomi ?
Les yeux bruns le regardent.
Ils ne sont pas voilés, absents, ils sont là, face à lui, ils le regardent enfin après quatre interminables mois.
Ses mains descendent jusqu'aux poignets de Bill, tentative désespérée de l'ancrer dans la réalité.
- Billi... Je suis là. Je suis là. Reste avec moi...
Sa voix est rauque et douloureuse. Depuis combien de temps n'a-t-il pas parlé ? Il ne sait pas...
- Tomi... Vivant ?
Les deux paires d'yeux se fondent l'une dans l'autre, s'accrochant désespérément, tentant de se convaincre que l'autre est bien là. Tom sent les larmes lui monter aux yeux, tandis que son coeur se soulève de joie.
- Oui, vivant, vivant... Je suis là Billi. Je ne vais nulle part.
Le soulagement déferle en lui avec violence, l'emportant dans un torrent d'émotion. Les larmes bouillonnent, ses bras tremblent, il n'est plus rien face à cette immensité.
Et il est tout. Il est tout car Bill est là, Bill est là à nouveau, Bill lui a été rendu, c'est comme s'il n'était jamais parti. Et Tom se surprend à relâcher un souffle qu'il ne savait pas retenir.
Nul ne sait lequel des deux a fait le premier pas, lequel a attiré l'autre dans ses bras. Peut-être que c'était Bill, pour se rassurer, peut-être que c'était Tom, pour le rassurer ?
Le coeur de Tom bat à un rythme effréné aux oreilles de Bill. Il le rassure. Il lui dit que Tom est là, que Tom ne partira pas. Il enfouit son visage dans le cou de Tom, et le sent se détendre.
Il y aura du travail. Beaucoup. Toute cette histoire est loin d'être finie, et Tom le sait.
Tout ne s'arrangera pas comme dans un conte de fée ; certains traumatismes ne s'atténuent qu'avec le temps.
Bill devra vivre dans un nouveau monde, un monde où la perspective que Tom disparaisse ne soit plus une crainte, mais une possibilité. Un monde qui le terrifie, et dont il n'a jamais voulu.
Les doigts de Tom jouent avec les cheveux de Bill. Le blond sourit, sachant instinctivement à quoi ressemble Tom, les yeux fermés, les bras enroulés autour de lui, un léger sourire sur le visage.
En temps normal, il l'aurait taquiné, comparé à un gros nounours.
Pour l'instant, il savoure juste le moment. Le soleil qui perce à travers les stores du studio malgré l'heure déjà tardive, la fraîcheur de l'air autour d'eux.
Il savoure cette étrange sensation d'éternité.
Tant qu'ils sont deux, tout ira bien.
Le monde peut s'abattre sur leurs épaules, ils n'en ont que faire.
Tant qu'ils sont deux -
Ils sont immortels.
THE END